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Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …
Affichage des articles dont le libellé est Lieux à voir ou revoir. Afficher tous les articles
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samedi 24 octobre 2015

Vendanges en Champagne


Nous voici au début de l’automne…
Le village d'Hautvillers dans la fraîcheur automnale
Les villages champenois bruissent de mille sons, exhalent mille odeurs en cette époque de vendanges.
La cueillette du raisin vient de prendre fin, et déjà le jus d’or fermente dans les cuves. C’est la promesse assurée de fêtes,  de réunions de famille ou de rendez-vous ...

Nous avons tous dégusté ce vin pétillant, blond, ambré ou rosé, aux saveurs enivrantes. Pour concevoir un tel breuvage, il faut tellement d’amour et de travail… qu’il faut bien auparavant que nous en ayons connaissance …
Cette terre de Champagne, inscrite à l’unanimité, depuis le 4 Juillet 2015 au patrimoine mondial de l’Unesco par ses 21 représentants, est une reconnaissance offerte à tous ces hommes et ces femmes qui œuvrent pour sublimer un vin dont l’appellation ne peut être copiée.

Eglise d'Hautvillers où repose Dom Pérignon.
Inventeur de la méthode champenoise

Le vin de Champagne est né de trois cépages différents…
La terre calcaire de la montagne de Reims et de la côte des Bars fait fleurir un pinot noir, il donnera du corps et de la puissance au vin. Le raisin noir, Meunier de la vallée de la Marne au terrain argileux, lui confèrera de la rondeur. Enfin le Chardonnay de la côte des Blancs affirmera des arômes délicats, notes florales ou fruitées voire minérales…

Le Chardonnay
Le Pinot noir
En Champagne, le vigneron vit au rythme des saisons :
Fin janvier, on festoie à la Saint-Vincent. Une fête pour remercier le St patron de la vendange passée et se mettre sous la protection de celle à venir. La terre est reposée et déjà on taille les ceps.
Le printemps arrive, l’heure est venue d’aider et de guider la nature pour une future récolte généreuse.
A la mi-mai, il faut se rendre dans la vigne, pour l’ébourgeonnage. Voilà une opération qui consiste à éliminer les bourgeons non fructifères. On les appelle les « gourmands », car ils pourraient dévorer la sève des bourgeons principaux.
A peine rentré de sa vigne, voilà la fin mai qui arrive et il faut retourner sur les coteaux pour « le relevage ». Une action qui consiste à relever les rameaux de la vigne pour les maintenir dans une position verticale.

N’avez-vous jamais observé en vous promenant dans les vignes de notre région comme elles sont propres et méticuleusement alignées ! C’est le résultat du travail patient, aimant, attentif des gens de cette terre, qui l’entretiennent et la chérissent ! Ici la nature est disciplinée pour la rendre encore plus généreuse.

Courant juin, nous voilà aux opérations de palissage. Il faut séparer les rameaux pour qu’ils captent au maximum le soleil et soient aérés,  évitant ainsi le pourrissement des grains..
Enfin, vers la fin juin et le début de l’été il faut se mettre au rognage ou taille d’été. Voilà un dernier travail avant la vendange, il évite l’abondance de la végétation sur la fructification.
Mais que fait-on en été ? Et bien il ne reste qu’à prier pour espérer un soleil ardent, une absence de grêle, une pluie bienfaisante, …
Le viticulteur veille sur sa vigne ! Il marche dans ses rangs, touche et froisse une feuille, caresse un plant, évalue du regard une grappe qui mûrit, hume la nature son royaume, s’inquiète d’un ciel qui s’assombrit, d’un soleil qui brûle trop…

La fin de l’été arrive, c’est l’heure de la vendange…
Venez cueilleur, porteurs de paniers, conducteur de camions qui amènent au vendangeoir l’abondante récolte… C’est là, bien souvent que se tient « le patron », celui qui aura la charge de mettre en branle le pressoir et voir le premier jus couler…
Le soir arrive, et les ouvriers de la vigne rentrent harassés au vendangeoir. Bien souvent, on leur offre une flûte de ce vin pour lequel ils ont donné de leur peine. La journée est finie, ils ont travaillé dur, ri, plaisanté, travaillé. Il faut aussi oublier les mains sales, les genoux sensibles à force de s’être baissés, pliés, remontés et d’avoir à recommencer, le dos douloureux... Les yeux se ferment, la lassitude les étreint…
 
La vendange
Savez-vous qu’en Champagne, toutes les actions de traitement de la vigne sont manuelles ?
Et pourquoi, voit-on en début de rang pousser un rosier ? Parce que le rosier, est sensible aux maladies de la vigne, il se montre un précieux indicateur et permet de déterminer le traitement à adapter au sol ou aux plants.
En Champagne, les grandes maisons ont leur prestige, les petites sont à connaître et le vin produit est toujours le résultat de gestes d’attention, d’amour et de vigilance.
Allez visiter
-          le musée de la vigne et du vin au Mesnil sur Oger
-     le village d'Hautvillers
-          le phare du musée de Verzenay
-          découvrir une cave de champagne à Reims ou à Epernay

Une cave à champagne
Boire un bon Champagne, c’est participer à une œuvre d’art…
Imaginez…

Regardez votre coupe se remplir…
Voyez sa limpidité, sa transparence.
Et, puis découvrez de vos yeux observateurs la densité de sa robe :
Blanc teinté de jaune allant jusqu’aux reflets vieil or, ou, du rose tendre au plus saumoné…
Un regard pour sa mousse, son abondance, sa persistance, la finesse des bulles qui s’élèvent en colonnes ou s’envolent indisciplinées…
Elles viennent pétiller à la surface de votre coupe en un délicat et blanc friselis,
Qui entoure d’un fin cordon le bord de votre verre…

Quel vin oserait cela ? Oui cela ne peut être qu’un divin breuvage !

Le Champagne est versé, et là, l’idée vous prend, de vous emparer de votre coupe pour la porter gourmandement à votre bouche….
Que nenni !!!
Les bulles, à peine explosées, pourraient modifier votre perception et ses arômes.
Laissez-le encore s’ouvrir…
Préparez-vous pour la farandole ! La fête ! Recueillez-vous !

Saisissez en toute délicatesse le pied de votre coupe,
et portez-la à votre bouche.
Doucement,  laissez délicatement le « premier nez » vous envahir.
Découvrez, par la senteur exprimée, la cuvée :
fine, classique, puissante ou évoluée…
Attendez, encore un peu, laissez venir le « second nez »

Choisissez avec votre sensibilité les notes que vous percevez, sont-elles florales ou fruitées ?
Ainsi, vous devinez le raisin, très bien, il s’agit d’un arôme primaire.
Soyez attentif, n’y aurait-il pas, un peu de
Brioche, de miel, d’agrumes, de noix…?

Laissez vos impressions s’exprimer, donnez du temps au temps…
Portez la flûte à vos lèvres,
Buvez,
Dégustez…
Concentrez-vous…
Fermez les yeux, pour que votre ressenti, s’intensifie…
Notez comme les arômes annoncés, s’épanouissent avec netteté…

Vous voilà, sur le bon chemin,
Prenez le temps pour chacune de ces étapes.
Quelle est votre impression d’ensemble ?
Verte, fraîche, vive, souple, plate…
« Attaque en bouche », dit-on en Champagne…

Tentez une analyse affinée, venez, …
Goûtez,
Savourez,
Percevez l’ampleur du vin,
Est-elle charpentée, étoffée, légère
Les arômes se sont enfin dévoilés,
Vous avez su les trouver,
Les attendre,
Les rechercher…
Encore un peu d’attention…
Il vous reste à découvrir la « Fin de bouche »,
 Vous assurer définitivement de la persistance des saveurs.

Ainsi, en Béotien du Champagne, vous faudra-t-il un peu de temps pour accéder à cette essence, tout comprendre, tout sentir, tout deviner…
Novice en la matière, ne doutez pas qu’avec un peu d’attention d’analyse,
Vous saurez reconnaître chaque sensation, chaque particularité…
 Et, Bien sûr …
Vous en userez avec modération !




Site consulté :

Lecture « le Champagne trois siècles d’histoire » Stock


Musique écoutée au cours de la diffusion de l'émission radio sur RCF "Au hasard des Arts" : extrait de la Traviata de Verdi.

mardi 8 septembre 2015

L'Annonciation de Cortone peinte par Fra Angelico

L’Annonciation de Cortone peinte par Fra Angelico

L'Annonciation de Cortone avec la prédelle- 1433-1434 -
Fra Angelico

Je voudrais, vous parler d’une Annonciation de Fra Angelico, précisément celle de Cortone à une centaine de km de Florence, en Italie … 
Dans toute Annonciation, moment relaté dans les Evangiles, l’Ange Gabriel vient annoncer à Marie le choix du Seigneur. De nombreux peintres ont illustré ce moment de l’histoire sainte, Fra Angelico a peint plusieurs Annonciations, mais c’est celle de Cortone qui nous intéresse, aujourd’hui déposée au musée diocésain de cette ville.
Guido di Pietro né à la fin du 14ième siècle, mort dans le milieu du siècle suivant, entre en religion, à l’âge de 20 ans chez les Dominicains au couvent de Fiesole situé sur les hauteurs de Florence. Selon l’usage de l’ordre, il change de nom pour celui de Fra Giovanni da Fiesole.
S’il est un religieux très tourné vers la spiritualité, c’est aussi un excellent peintre. Au cours de sa vie, il a décoré des églises et des couvents à Florence, Sienne, Cortone, Orvieto, Rome. On l’appelle Fra Angelico en raison de la grande quantité d’anges reproduite dans ses peintures.… Ses productions sont uniquement dévotionnelles, on dit qu’il priait toujours avant de peindre.
Il travaille à fresque, une peinture murale dont la réalisation s’opère avant que l’enduit ne soit sec ou à la détrempe sur bois, des couleurs broyées mélangées avec un liant comme la gélatine. Ces techniques demandent une grande maîtrise, car on ne peut pas retoucher le travail comme on le fait plus facilement dans la peinture à l’huile, méthode qui n’existe pas en Italie à cette époque…pas plus qu’on ne peint sur toile mais sur bois !
Vers les années 1409, à l’époque du schisme des Papes de Rome et d’Avignon, Fra Angelico et sa confrérie quittent Fiesole pour se rendre au couvent de Cortone et passent par Sienne, Pérouse, Assise.
Fra Angelico s’imprègne au cours de ce voyage des œuvres de ses prédécesseurs Duccio, Giotto pour ne citer qu’eux et Masaccio son contemporain.
C’est à Cortone, autour des  années 1433/34 qu’il réalise, cette magnifique Annonciation, un chef d’œuvre d’art sacré empreint de spiritualité, de mystère et de délicatesse.


Je vous invite à découvrir, l’Annonciation de Cortone de Fra Angelico et de vous attacher aux détails de cette détrempe sur bois, riche de ses multiples références à découvrir. C’est un peintre érudit, la précision et la profondeur de son message pictural plongent dans une découverte admirative, un rébus artistique.
Autrefois, dans l’église derrière la table d’autel, se trouvait le re-table de l’Annonciation, donc derrière la table. Que voit-on ? Dans une sorte de loggia fermée de colonnades, une allusion au jardin clos, à la virginité, Marie et l’Ange Gabriel sont face à face. A côté un jardin à la végétation foisonnante rappelle le jardin d’Eden, c’est une certitude puisque l’on voit au lointain, un couple qui fuit, il s’agit d’Adam et Eve chassés du Paradis.

Détail de l'Annonciation de Cortone
Adam et Eve chassés du Paradis

Au premier plan, Gabriel, habillé d’une aube rose et motifs dorés, Marie en robe rouge et manteau bleu, un livre ouvert posé sur les genoux. Ils sont chacun sous un arc délimité par 3 piliers de la construction. 3 piliers reliés par des arcs en plein cintre, formant deux arcades.
Imaginez qu’avec votre doigt  vous partiez du bas à gauche de la première colonne, la remontant passant sur la courbe du premier arc, puis le deuxième et redescendant le long de la troisième colonne…. vous avez écrit le M de Marie ! Juste au-dessus de la colonne centrale un médaillon un visage, c’est celui d’Isaïe, il nous renvoie à la prophétie : « Voici que la jeune femme est enceinte et va enfanter un fils… »

Détail de L'Annonciation de Cortone de Fra Angelico
La prophétie d'Isaïe: "Voici  la jeune femme est enceinte et va enfanter un fils"

Dans l’analyse de l’Annonciation de Cortone de Fra Angelico, le peintre introduit des paroles écrites en lettres d’or. L’ange Gabriel énonce les paroles écrites en latin et dont voici la traduction : « L’esprit Saint descendra sur toi, et la Vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre » Les paroles s’envolent de la bouche de l’Ange, et se lisent dans leur intégralité. Il faut observer aussi la position des mains de l’Ange Gabriel, sa main droite avec l’index pointé vers Marie, la désigne formellement, la main gauche index également pointé désigne… quoi exactement ? Le Ciel ou est-ce le doigt posé sur la bouche, un doigt qui invite à se taire, à garder le secret, à ne pas divulguer le mystère dont Marie est porteuse.
Marie, une colombe au-dessus d’elle, les mains croisées sur la poitrine en Vierge d’humilité, répond à Gabriel : « Je suis la servante du Seigneur qu’il me soit fait selon ton Verbe »… Il est difficile de lire cette phrase sur le retable parce qu’écrite à l’envers.
Tous les chrétiens connaissent cette phrase, et voilà que la révélation de la naissance christique s’inscrit dans ces quelques lettres. La partie de phrase, « qu’il me soit fait selon …»   ou « fiat mihi secundum » telle qu’elle est écrite sur la toile n’est pas lisible, les mots sont cachés derrière la colonne centrale, celle qui sépare Marie de l’Ange… Pourquoi ne sont-ils pas lisibles ? Parce que Fra Angelico pense que nous connaissons ces mots ? Ou, en religieux mystique il indique tout le mystère de la conception du Christ ?
Il faut pour aborder l’enjeu théologique, faire appel à l’analyse de  l’historien de l’art Daniel Arasse. Exégète de l’Annonciation de Cortone, il émet l’hypothèse  que la formule de Marie n’est pas visible dans son intégralité parce que écrit-il « Au moment de cette parole où s’accomplit la volonté divine et le Verbe se fait chair, la colonne se substitue aux lettres d’or, empêchant toute lecture pour faire voir une figure ». C’est la phrase exacte de DA. 
Le message prend toute sa puissance et sa profondeur, ne pouvant pas lire le « qu’il me soit fait » de la Vierge, se dessine alors le miracle de la conception du Christ, l’ombre du Seigneur.
Le mystère de l’Incarnation est le moment où la foi chrétienne répond à la question de l’Invisible !
Détail de l'Annonciation de Cortone
Gabriel: "L'esprit Saint descendra sur toi, et la Vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre"
Marie: "Je suis la servante du Seigneur ..... ton Verbe"

Daniel Arasse prolonge sa réflexion en observant que les mots de Marie sont derrière la colonne… Cette colonne qui est aussi l’annonce de l’outrage fait au Christ, une colonne à la fois  symbole de la divinité et de l’humanité de Jésus…
Enfin, lorsqu’on observe Marie et Gabriel on constate que les personnages ne parlent pas, les paroles s’échangent bouche close. Il s’agit, sans doute,  d’une forme de Conversation sacrée, un thème pictural qui apparaît dans l’Italie du 15ième siècle. Une conversation qui se dispense de paroles, nourrie par la présence et le message de l’Esprit Saint.


Je vous invite à aller regarder cette Annonciation de Fra Angelico. A Cortone ce serait magnifique, ou plus modestement sur le moteur de recherche de votre ordinateur …
Fra Angelico est une figure majeure de la Renaissance du quattrocento. Béatifié en 1984, sa personnalité exceptionnelle est inspirée par une intense spiritualité. Il a marqué son époque par la qualité de son dessin fait de lignes sobres, avec pourtant une grande richesse décorative, des couleurs lumineuses, transparentes, harmonieuses. Sa maîtrise technique est habile, il met ses personnages en valeur par le jeu de teintes claires souligné de zones d’ombre aux tonalités froides… Son œuvre marque une évolution dans l’histoire de l’art, Fra Angelico abandonne peu à peu les -ors du style byzantin, -introduit la perspective. Son langage est simple et dépouillé, capable d’émouvoir et de parler aux âmes.
Il est le peintre des couleurs de la lumière, elles se confondent avec la lumière mystique qui inonde ses créations.
Ses compositions symboliques et compréhensibles font preuve d’une profonde intériorité. Sa peinture a traversé  et marqué l’art occidental, au même titre que les productions de Michel-Ange, Léonard de Vinci, Raphaël, ces artistes qui le suivent au siècle suivant….

Autres Annonciations peintes par Fra Angelico

Annonciation du couvent de San Marco à Florence - 1442/1443 - Fra Angelico
Annonciation de Fra Angelico - Entre 1435 et 1445 - Prado (Madrid)
Prévue à l'origine pour le couvent de Fiesole
Mais, selon Daniel Arasse, il s'agit d'une variation de Cortone, et le tableau ne peut pas être de Fra Angelico. Pour Daniel Arasse, jamais Adam et Eve chassés du paradis , ne pourraient être autorisés à venir fouler le pur jardin de Marie. 



Sites consultés: 
- L’exergue du livre de Daniel Arasse : Le détail dans la peinture

Extraits musicaux accompagnant la diffusion de l'émission, à écouter en podcast sur RCF Marne Meuse 51 - ou en direct le 2ième vendredi de chaque mois à 19h30
Mozart – Chants liturgiques
Morceau 1 – Dixit Dominus (du début jusqu’à 0’49’’)
Morceau 2 - Tu Virginum Corona (à partir de 2’49’’ jusqu’à 3’40’’)
Morceau 3 - Ave Verum – de (0’38’’ à 1’15’’)


jeudi 6 août 2015

La cathédrale de Reims

La cathédrale de Reims (la voir autrement)... 



Aujourd’hui, allons visiter la cathédrale de Reims, chef d’œuvre de l’art gothique classique et rayonnant. Construite en 3 siècles, de 1211 à 1516 elle attire les curieux, fascine  les touristes, émeut les chrétiens, passionne les exégètes. Symbole de notre richesse architecturale, cet édifice est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1991.
Lieu du baptême de Clovis, des sacres de presque tous les Rois de France, on peut s’extasier sur les magnifiques représentations des portails, les vitraux, la statuaire… Il faudrait une vie pour examiner les quelques 2300 statues qui ornent ce lieu, comprendre et interpréter toute l’imagerie mise en œuvre. 
Nous avons tous vu cette cathédrale, mais l’avons-nous vraiment regardée ?
Je vous propose un parcours de visite différent, découvrir ce que l’on ne voit pas, ce que l’on n’imagine pas, ce que peut-être on ne sait pas...
Cours Anatole France - à l’opposé du triple porche occidental - sur le large trottoir d’une artère construite après la guerre de 1914/ 1918, -là ou autrefois de petites maisons se serraient autour de l’édifice dans un réseau de ruelles étroites, se dresse le chevet de la cathédrale. Cette large avenue construite d’un seul côté offre une vue panoramique du chevet édifié au début du 13ième siècle, restauré par Viollet le Duc et Henri Deneux qui ont respecté l’esprit originel de la construction.

Des anges aux ailes déployées dans les clochetons-tabernacles
Cathédrale de Reims

Observons, la proue du chevet qui s’avance au cœur d’un jardin paisible, forme arrondie qui laisse deviner une chapelle axiale et 4 rayonnantes pour l’entourer. Chaque chapelle possède 3 vitraux en lancettes surmontés d’une rose, couronnée d’une haute arcature ajourée où veille un bestiaire d’animaux fantastiques masquant des toits de plomb. Un lourd contrefort indique la séparation entre les chapelles, chacun d’entre eux porte un clocheton - tabernacle qui abrite un ange de beauté classique aux ailes déployées. A la base de chaque culée 11 anges portent le pain, le calice, le livre des Evangiles, des couronnes et un sceptre. Notre-Dame de Reims est bien la cathédrale des Anges…

Des atlantes supportent la corniche de la galerie haute
Cathédrale de Reims

Des atlantes supportent la corniche de la galerie haute. Les traits de ces visages sont ceux des ouvriers du chantier, immortalisés depuis 8 siècles par leur travail de stéréotomie. Enfin, le chevet s’achève sur l’élan vertical d’un clocher octogonal décoré de 8 personnages représentant la société de ce 13ième siècle…

Le clocher octogonal du chevet de la Cathédrale de Reims

Allez découvrir ces merveilles en vous munissant de jumelles.
 
Les 3 portails du transept nord (Cathédrale de Reims)
Sur la façade nord de la cathédrale de Reims, vous pouvez découvrir 3 portails. A l’origine, ils n’étaient pas destinés pour cet emplacement… le portail du Jugement dernier montre l’empreinte du style antiquisant par la ligne des drapés mais également par les visages encadrés de chevelures bouclées à la romaine. Puis, le portail des Saints qui devait être placé à l’origine sur la façade occidentale, selon le projet de Jean d’Orbais un des tout premiers architectes, enfin un délicat portail roman.

Le portail roman (transept nord Cathédrale de Reims)

Ce dernier marquait autrefois l’entrée du cloître des chanoines. Les sculptures romanes d’une grande beauté, proviennent de l’ancienne cathédrale détruite en 1210 par un incendie. Elles étaient prévues à l’origine pour la décoration d’un tombeau : « un enfeu ». Dans l’arcature supérieure juste au-dessus de la Vierge en majesté, deux anges portent l’âme d’un défunt et désignent le ciel du doigt. D’autres anges se déploient sur le pourtour qui fait voûte au-dessus de la Vierge, arc de rinceaux décoratifs ornés de pampres, d’oiseaux et de figurines humaines. Cette magnifique statue de la Vierge couronnée, date de 1175, de style byzantin, elle nous fait face hiératique drapée sobrement avec encore quelques traces de polychromie. C’est la plus ancienne de toutes les statues de la cathédrale. Elle porte son enfant nimbé sur le bras droit (habituellement elle porte l’enfant Jésus sur le bras gauche), assise sur un trône, des rideaux encadrent la scène. Le dais qui les protège, surmonté de tours, semble être la Jérusalem céleste, marquée en son sommet de la croix grecque si reconnaissable à ses quatre branches de même taille. Enfin aux écoinçons deux anges portent la croix processionnelle.
Vers l’entrée principale, avant d’entrer dans la cathédrale, admirez l’Ange au Sourire. Installé à gauche dans le portail de la Passion. Il est la marque de l’avancée de la statuaire, nous sommes presque 100 ans plus tard que la Vierge romane…

L'Ange au Sourire (Cathédrale de Reims- portail de la Passion)

L’Ange au Sourire a été sculpté par un atelier rémois d’ymagiers, comme on disait à l’époque. Il ressemble beaucoup au St Jean de la Sainte Chapelle à Paris. On peut penser que des représentations dessinées ou des figurines sculptées circulaient déjà d’ateliers à ateliers…L’Ange au Sourire, du plus pur style parisien, indique les canons de beauté de ce 13ième siècle. Un visage triangulaire, coiffé de cheveux ondulés, souriant, lèvres closes, des pommettes hautes, des yeux en amande, un corps souple et élancé, un léger hanchement. Il est l’expression de la beauté idéale de la période gothique.
Il semblerait qu’il ait un frère jumeau, regardez dans le portail central, dans l’ébrasement de droite, un ange sourit il peut être identifié comme L’Ange Gabriel puisque qu’on le voit se tourner vers Marie, c’est, bien sûr, une Annonciation…

L'Ange Gabriel et Marie (portail central - Cathédrale de Reims)


Je vous invite à entrer dans la cathédrale….  Une nef de 115 mètres de long, une hauteur sous voûte de presque 38 mètres, un étagement sur 3 niveaux,  grandes arcades, triforium aux fines colonnettes, grandes fenêtres hautes… Tous ces détails vous les trouverez dans un guide… Pourtant, notez cette originalité : au niveau des transepts, cheminant le long des collatéraux, près des fenêtres basses aux doubles lancettes et rose hexalobée se trouve une ouverture dans chaque pilier encadrant la fenêtre. Il s’agit du « passage champenois ». Aux trois galeries de circulation habituelle, celle du chemin de ronde au sommet, une médiane et une au triforium, s'ajoute à Reims un passage intérieur, appelé pour cette raison "passage champenois" trouée unique et originale dans l’architecture des cathédrales. Chacune de ces circulations permet de contourner l'édifice dans sa totalité.

Le passage champenois (Cathédrale de Reims)

L’histoire de –la Champagne et -du Champagne marque cet édifice… Découvrons dans le transept sud, juste au-dessus de la porte de la sacristie, un magnifique vitrail réalisé en 1954,  par Jacques Simon, maître verrier rémois. Le vitrail raconte sur 3 lancettes, les travaux quotidiens des vignerons, la vendange et l’élaboration du vin de Champagne. Cette superbe réalisation lumineuse et colorée s’inscrit dans l’esprit des verrières du Moyen-âge, elle a été financée par la Corporation des vins de Champagne. La représentation est lisible, on y retrouve les noms des villages qu’ils soient de la Montagne de Reims : Hautvillers Verzenay, de la vallée de la Marne : Epernay Cumières, ou de la côte des Blancs : le Mesnil sur Oger ou Vertus pour ne citer que ceux-là…

Vitrail de la grappe - Cathédrale de Reims
Une symbolique de la grappe mystique

Dans la partie supérieure, Jacques Simon a fait œuvre de bibliste : Des hommes portent accrochée sur une perche, une lourde grappe de raisin. La référence est bien sûre liée à l’histoire du commandement de Dieu à Moïse. Ce dernier a envoyé deux hommes au pays de Canaan pour ramener les fruits de la Terre Promise « pays d’où coule le lait et le miel ». Juste à côté on observe le pressoir avec le foulage du raisin, ici, la symbolique du pressoir mystique rappelle le sacrifice du Christ, l’Eucharistie tous les signes de la dévotion chrétienne y sont traités, on reconnait aussi l’épisode des noces de Cana…

Vitrail du pressoir - Cathédrale de Reims
Une symbolique du pressoir mystique


La visite de la cathédrale de Reims nourrit et suscite la curiosité, et ce parcours atypique, montre qu’une seule visite ne peut suffire… la cathédrale nous parle c’est à nous d’en déchiffrer le message.
Ainsi lorsque vous vous dirigez vers la sortie, émerveillez-vous du revers de la façade, unique lui aussi. De part et d’autre de la petite Rose du portail central, les sculptures racontent l’histoire de la généalogie et de l’Avent du Christ. 52 personnages sculptés dans la pierre de la région initient à un catéchisme iconographique. Je vous citerai pêle-mêle, Anne et Joachim, le massacre des Innocents, la fuite en Egypte, le martyre de Jean-Baptiste…

Le revers de la façade occidentale - Cathédrale de Reims

Ce revers s’inscrit dans le programme des 3 portails de la façade extérieure. Une lecture de l’Ecriture pour se représenter l’histoire racontée, son sens allégorique qui a suscité cette réflexion de Nicolas de Lyre, théologien franciscain du 14ième s: « La lettre enseigne les faits, l’allégorie ce qu’il faut croire, la topologie ce qu’il faut faire, l’anagogie ce vers quoi il faut tendre »…

 Je vous invite à aller découvrir la cathédrale de Reims, à réserver une visite guidée ou vous munir d’un audio-guide, et .... n’oubliez pas vos jumelles !
Découvrez le spectacle « Rêves de couleurs » qui a lieu tous les étés de juin à octobre … « Rêves de couleurs » émerveille d’un spectacle féérique, illumine et souligne les détails de la façade occidentale, plonge dans l’illusion des mystères, de l’esprit et de la pensée du Moyen-âge….

Je n’aurais pas pu écrire cet article sans les nombreuses lectures faites dont vous trouverez les références ci-dessous. 
Il en est de même pour les illustrations qui accompagnent cette recherche.

Bonne découverte, à bientôt…

Toutes les photos sont sur le site 


































































vendredi 6 mars 2015

Critères de l'Art Déco, Reims et l'Art Déco

Bonjour à tous,
Et si je vous dis Art Déco ?... Il arrive que la confusion se fasse entre arts Nouveau et Déco. Art Nouveau de 1880 jusqu’à la guerre de 1914-1918, art déco de la fin de cette même guerre et même un peu avant jusqu’aux environs des années 1930.

L'image de la femme Art Nouveau à gauche, Art Déco à droite
Le couturier Poiret la libère de son corset, alors elle se met au régime

L’expression « Art déco » fait suite à  l’Exposition des Arts décoratifs de 1925 à Paris. 

Une Delahaye 1937
Meubles Art Déco






























Les grands noms français, dans une liste non exhaustive,  sont Le Corbusier en architecture, Lalique Daum et Baccarat pour la verrerie, Poiret et Chanel pour la couture, Fernand Léger Tamara Lempika pour la peinture… Ce style a marqué toute l’Europe et les Etats-Unis, il s’est manifesté dans le design automobile, le mobilier, les objets du quotidien,  les affiches, l’habillement, tous les arts d’une manière générale. Il est un témoin de l’évolution des mentalités, de l’entrée de la société dans le monde moderne, il change même l’image de la femme. Le mouvement Art Déco veut être en rupture avec le « désordre de l’art Nouveau », et prend en réaction le nom des « années d’ordre ».
Comment reconnaître le style art déco ? On observe un mélange d’influences, dont celles de l’Antiquité, des arts d’Afrique et d’Orient et le cubisme bien sur... Les volumes sont simples, les surfaces planes.  Les formes sont épurées, géométriques, les pans coupés, en résumé, simplification des formes, stylisation des motifs. Les matériaux dans la décoration sont froids : du verre, de la céramique, de l’acier. Le but étant de mettre en évidence la fonction utilitaire de la création. Les lignes sont brisées, les pilastres cannelés pour élancer la verticalité, le lotus a la forme d’un triangle, la rose celle de Paul Iribe est une spirale stylisée. On ne dédaigne pas le cercle, la roue de vélo et ses rayons, les engrenages, quand ils s’intègrent dans une création rigoureuse et claire. Le luxe prend sa place avec du mobilier en bois précieux, des marqueteries de laque, d’ivoire ou de métal.
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 Dans notre région, Art Nouveau avec ses volutes, courbes et contre-courbes c’est Nancy, Art Déco avec lignes droites, horizontales et verticales c’est Reims…. Je vous propose un regard architectural dans lequel cette esthétique s’est pleinement exprimée.
Reims a été dévastée en 14/18 et sur les 14.000 maisons de la ville, il n’en reste qu’une soixantaine d’habitable. Il faut reconstruire.
Place du parvis Notre-Dame de Reims en 1918

Si la ville offre une diversité dans ses bâtiments, elle porte  l’empreinte Art Déco d’une manière très nette sur une cinquantaine de maisons, sans compter celles qui ont été construites en même temps et qui ont introduit des variantes au gré des idées du propriétaire ou des conseils prodigués par leurs maîtres d’œuvre. La ville n’a pas eu moins de 400 architectes pour sa reconstruction.
Ainsi il est possible de voir des maisons de style gothique anglais, ou de néo-gothique avec encorbellement à damiers, ou même encore des bâtisses à faux pans de bois inclus dans la maçonnerie.
La bibliothèque Carnegie, l’hôtel de la Mutualité, le grand Théâtre illustrent avec élégance et sobriété la notion d’art déco.
La bibliothèque Carnegie à Reims

A la fin de la première guerre mondiale, l’architecte Max Sainsaulieu construit la bibliothèque Carnegie de Reims. Le nom est en hommage à Andrew Carnegie, philanthrope américain qui a contribué à l’édification du lieu par un apport de fonds exceptionnel. Il voit dans la nécessité de l’étude un rempart contre l’obscurantisme et la barbarie. Au titre de la Paix Internationale une dotation de 200 mille dollars est allouée à la ville pour la construction de la bibliothèque, la réfection du toit de la cathédrale, sans compter la construction de l’hôpital Maison Blanche.
La bibliothèque a été construite entre 1921 et 1927. Les Ferronniers Swartz Haumont,  le sculpteur Edouard Sédiey, le mosaïste Auguste Biret, le verrier Jacques Grüber, des marbriers ont participé avec talent, à la réalisation de l’ouvrage.
Une allée, avec un buste du mécène, conduit à l’entrée du lieu. On pénètre dans le bâtiment en gravissant quelques marches, symbole d’élévation vers la connaissance. Deux vases de la manufacture de Sèvres encadrent le perron. L’entrée surmontée d’un fronton classique, est supportée par deux colonnes sans chapiteaux terminés par deux bas-reliefs représentant des arbustes. Ils symbolisent la floraison de l’esprit. On peut y lire « Educunt folia fructum » : les fleurs conduisent aux fruits.
 
Ondulations de mosaïques au-dessus de la porte d'entrée de la bibliothèque
Sous le péristyle un réseau d’ondulations de mosaïques colorées, alterné de motifs circulaires, court sur les frises, le sol, les murs et fait écho à la majestueuse porte de ferronnerie. Cette porte a obtenu la médaille d’or lors de sa présentation à l’Exposition internationale des Arts Décoratifs de Paris en 1925.
Le hall d’entrée est une grande pièce carrée de dix mètres de côté, sa décoration illustre l’idée que le savoir est source de lumière.

Le lustre de l'entrée de la bibliothèque

Sous une voûte monumentale un lustre en pendentif de base carrée lui aussi, a été créé par le maître-verrier rémois Jacques Simon. Cette réalisation est une merveille, imaginez de longues bandes de verre descendant dans un patchwork de rectangles blancs et gris s’imbriquant les uns dans les autres où se suspendent des pampilles qui accrochent et reflètent mille éclats! Sous le lustre, une fontaine symbolise, selon Max Sainsaulieu, la « source de toutes les sciences et connaissances ». Les murs sont lambrissés de grands panneaux en onyx d’Algérie encadrés de bandes de marbre vert. Vingt mosaïques de marbre, illustrent les diverses activités intellectuelles, physiques et manuelles de l’homme.

Murs d'onyx et bandes de marbre vert

Dans La salle de lecture un  magnifique parquet -carrés de chêne et d’acajou juxtaposés,
-  des murs lambrissés du même bois précieux rappellent que l’art déco est aussi un art du luxe. La salle d’étude est éclairée par trois grandes baies ogivales aux motifs toujours et encore géométriques dont chaque forme est cernée de plomb comme les vitraux d’une cathédrale, ici celle du savoir.
Les grandes baies ogivales de la bibliothèque Carnegie

 Une verrière zénithale, œuvre de Jacques Gruber le célèbre maître verrier nancéien, représente un livre ouvert sur les armes de la Ville de Reims. Au plafond, une corniche en forme d’escalier renversé ceinture la pièce.
La verrière zénithale de la bibliothèque 

Reims offre une promenade architecturale avec des constructions des années 1918 à 1930.
L’église Saint-Nicaise, aux vitraux translucides de Lalique et chapelles peintes par Maurice Denis, est plantée au milieu d’une cité jardin, imaginée pour les familles ouvrières des années 1920.

Verrière de Lalique dans l'église Saint-Nicaise à Reims

L’intérieur du Grand Théâtre aux lignes pures et élégantes en appelle aux Muses.

Escalier de l'Opéra ou Grand Théâtre de Reims

 L’hôtel de la Mutualité construit en 1927 typique de ces années d’ordre indique par sa conception tout l’esprit art déco : -une entrée au fronton rectangulaire surmonté d’une fenêtre octogonale allongée, -une sculpture de fleurs géométriques retenues dans des étoffes drapées courent sous la corniche.

Haut du fronton de l'hôtel de la Mutualité

Différents bas-reliefs représentent les métiers, dans l’un d’eux un cartouche d’instruments de musique, en effet le lieu a été de 1927 à 1934 l’adresse du Conservatoire de musique.
Un cartouche de l'hôtel de la Mutualité

 Bâti sur un angle de rue, l’hôtel de la Mutualité présente en son intersection un pan coupé indice du goût et des critères des choix architecturaux de cette époque.
Chaque période artistique suit toujours la même courbe, balbutiements, épanouissement, apogée, délaissement et interférences avec la naissance d’un autre courant.
Le style paquebot, une forme tardive de l’art déco, est en général lié à une construction imposante, immeuble ou grands magasins.
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Les anciennes Galeries rémoises, ou l’immeuble qui fait face portent la marque de l’aspect finissant du style. La bâtisse est érigée à la fourche de deux rues, du point central semblable à la proue d’un navire, l’ouvrage s’étire de chaque côté de son intersection. Une architecture épurée qui accentue les formes courbes dans un jeu de longues lignes horizontales. Le bâtiment est moderne, les formes élancées ou étirées donnent à l’ensemble un aspect fonctionnel, où l’on devine une recherche d’espace, de lumière dans une volonté minimaliste : la purification du trait.
Ce type d’immeuble, s’est répandu dans toute la France, une partie de l’Europe et les Etats-Unis, et, pour parfaire l’illusion on y a même parfois ajouté des balustrades et des hublots. Il n’est pas sans avoir une connotation avec les Transatlantiques construits dans les années 1930 dont le Normandie, un joyau français de l’art Déco où tous les grands noms des métiers d’art ont pu s’y exprimer : Daum, Lalique, Christofle, les manufactures d’Aubusson, Jean Dunand peut-être moins connu du grand public et pourtant un des plus grands créateurs de cette époque.

Façade des Galeries Rémoises
Le paquebot Normandie















Reims offre une magnifique découverte pour tous les curieux. Je vous invite à suivre le parcours proposé par le syndicat d’initiative auprès de qui vous pourrez vous munir d’un audio-guide. Il illustrera dans un commentaire précis et détaillé toutes les façades remarquables de la ville en complétant mon cours propos.

Vous retrouverez sur mon blog « auhasarddesarts.blogspot.com » le texte de l’enregistrement, les illustrations, ainsi que les sites et les ouvrages consultés pour la réalisation de cette émission. 

Au revoir à bientôt…

mercredi 18 février 2015

La Sainte Chapelle de Louis IX à Paris


Aujourd’hui, je voudrais vous emmener visiter la Sainte Chapelle de Paris et vous raconter un peu de son histoire…
La Sainte Chapelle, située en plein cœur de notre capitale, a été construite sous le règne de Louis IX, celui que l’on nomme Saint-Louis. 

La Sainte Chapelle

Pourquoi construire une chapelle alors que la cathédrale Notre-Dame est à deux pas de la Cité royale?
Louis IX est un homme pieu, il apprend que la Couronne d’Epines du Christ, confiée au roi Beaudoin II de Courtenay, empereur latin de Constantinople, a été mise en gage auprès de marchands vénitiens. 
Beaudoin II dans l’incapacité de se libérer de la dette, va perdre l’inestimable souvenir qui sera remis à l’église Saint-Marc de Venise.

La Couronne d'Epines conservée à la cathédrale Notre-Dame de Paris

Alors, Louis IX affranchit Beaudoin II de la précieuse hypothèque et l’acquiert pour la somme de 135.000 livres tournois, c'est-à-dire la valeur de la moitié du revenu annuel du domaine royal ! 
Par la suite, il achète également des fragments de la pierre du Sépulcre et de  la Ste lance, la Ste éponge, le Saint Sang et pour finir le Mandylion. Entendez dans ce mot compliqué le tissu sur lequel se serait  imprimée la face du Christ de son vivant, ce qui est d’ailleurs l’origine de la vénération des icônes….
Riche de cette Sainte Collection, Louis IX décide de faire construire une chapelle qui sera le lieu conservatoire de ces objets, symbole du martyre du Christ.
La Chapelle sera construite de 1242 à 1248…6 ans pour un joyau architectural conçu comme une châsse qui a coûté 40.000 livres tournois pour son édification et 100.000 pour sa décoration !
La localisation de cet édifice au sein du Palais Royal n’est pas anodine. Le lieu affirme le lien sacré entre les reliques et la royauté, comme le faisaient les empereurs byzantins. Cette proximité a un rôle judiciaire car ce sont sur les reliques que l’on prête serment dans les procédures entre seigneurs et vassaux. Elles assurent en même temps une médiation avec le divin.
Au Moyen-âge foi et pouvoir sont intimement liés. Louis IX en homme dévot, fin stratège et habile politicien ambitionne d’asseoir sa politique sur sa généalogie, en inscrivant le Roi de France dans la lignée des Rois de Judas. C’est la raison pour laquelle, les vitraux racontent l’Ancien Testament et la Passion du Christ.  Louis IX veut associer la Couronne d’Epines à la couronne royale, affirmation mystique et très diplomatique de sa puissance.
La Sainte Chapelle n’est pas destinée au public, elle est construite dans l’enceinte du Palais Royal de la Cité, et Louis IX y a un accès direct de ses appartements privés. Exactement comme Charlemagne se rendait de la « aula » ou salle du Conseil à la chapelle de son palais (à Aix-la- Chapelle) vers l’an 800.

Mais qui a construit la Sainte Chapelle ? Est-ce Pierre de Montreuil, ou Jean de Chelles son contemporain, tous deux maître d’œuvre et architecte de la cathédrale Saint-Denis et de  Notre-Dame ? Nous ne le savons pas…
Si le sanctuaire est devenu une châsse vide, il reste un témoignage extraordinaire par son architecture, ses vitraux qui sont pour les 2/3 de leur surface, ceux imaginés et réalisés au 13ième siècle. L’église palatine de la Cité comporte une chapelle basse et une chapelle haute.

La Chapelle basse dédiée à la Vierge

 La chapelle basse  était  réservée en ce temps-là au culte de la Vierge, elle  accueillait les serviteurs du Roi. Mise en valeur par un magnifique décor peint où des fleurs de lys or se détachent sur un fond d’azur, elles représentent les couleurs de la dynastie capétienne, pour devenir les couleurs de la royauté française.
La Chapelle haute, asile des reliques, espace de lumière est à l’usage unique du roi et de sa famille. Les murs sont des verrières, et s’élèvent à plus de 20 mètres de hauteur…

La chapelle haute qui autrefois abritait la Sainte Couronne

Mais comment concevoir une telle prouesse, quand à l’époque on en est aux arcs-boutants, aux arcades, au triforium et aux grandes baies ?
Bien sûr l’espace est plus restreint, mais cela tient aussi à la conception de la construction. Pour la première fois, on utilise le métal, et, sous les ogives de pierre se trouvent une identique arcature de métal, tout comme le chœur soutenu par une carcasse de fer, quand un chaînage ceinture la chapelle. Cette technique ne sera reprise qu’au 19 siècle, elle permet de construire plus  haut, plus lumineux, puisqu’elle autorise l’évidement des murs. La Chapelle haute, assise sur la chapelle basse,  repose sur de faibles colonnes et n’est soutenue par aucun pilier, bien sûr des murs boutants extérieurs soutiennent l’édifice.




L’étage supérieur de la Sainte Chapelle abritait les Saintes Reliques. Chacune d’entre elles étaient placées dans un reliquaire individuel en métal précieux, et l’ensemble était rassemblé dans une grande châsse d’environ 3 mètres de haut, placée sur l’autel dans une sorte tribune, abritée par un baldaquin. Des religieux veillaient jour et nuit et 3 cierges brûlaient en permanence. Un double escalier menait à la plate-forme, et l’ouverture centrale était ornée de deux anges aux mains voilées qui tenaient la Couronne. 

Deux anges aux mains voilées tiennent la Couronne

Le reliquaire en argent, fondu à la Révolution, pouvait pivoter vers les fenêtres du chœur, les chanoines ouvraient une des verrières et présentaient la couronne au peuple amassé sous les fenêtres.

Le reliquaire : armoire aux reliques

La décoration de la partie basse des murs n’est pas celle du début, mais on a imaginé qu’elle était à l’image du Psautier de Saint Louis. Cet ouvrage enluminé représente les constructions gothiques de ce siècle, et les couleurs bleu rouge et or retrouvent sur les vitraux, elles sont aussi les couleurs du roi Louis IX (bleu et or)et de sa mère Blanche de Castille (rouge et or).
Dans la Chapelle, 12 apôtres au sommet de colonnes et placés le long de la nef, rappellent qu’ils sont les compagnons du Christ et les piliers de l’église. Ils ont perdu les attributs qui les rendent reconnaissables, par exemple St Pierre et la clé, Saint Paul et le glaive ou st André et sa croix en X. Ils tiennent dans leurs mains un disque marqué d’une croix qui rappelle la consécration du lieu. Les statues originelles ou ce qu’il en reste, sont au musée de Cluny.

Vierge à l'enfant en ivoire sculpté provenant de la Sainte Chapelle

Il y avait aussi, une statuette d’ivoire que l’on peut observer, maintenant, au Louvre dans le département « objets d’art du Moyen-âge », une Vierge de tendresse, preuve du développement du culte marial. Paris en ce temps-là est la capitale incontestée du travail de l’ivoire. Cette Vierge est l’idéal de la beauté gothique, de ce style de ce que l’on appelle « l’Art parisien » du 13ième siècle : un visage aux yeux fins en amande, des pommettes saillantes, un sourire délicat, des cheveux ondulés, un léger déhanché pour porter son enfant à qui elle présente une pomme, le drapé de sa robe est dit « drapé en bec » il est la marque de la statuaire de cette époque.  


La Sainte- Chapelle a connu au cours des siècles, incendies, inondations, et les destructions ont été nombreuses, y compris la maçonnerie extérieure. L’époque troublée de 1789 a détruit les symboles de la royauté et le mobilier, les stalles, le jubé ont disparu.
Seule la Couronne d’Epines est sauvée avec un morceau et un clou de la Croix.  Les reliques ont été cachées par des prêtres qui les ont remises à l’archevêché de Paris. Elles sont toujours à la Cathédrale Notre-Dame.
Après bien des vicissitudes, la Ste Chapelle retrouve son lustre sous Louis-Philippe. Cette époque est l’âge d’or des restaurations, vues dans l’approche du passé avec un intérêt marqué pour l’histoire nationale. Sous la monarchie de Juillet, Guizot crée la fonction d’inspecteur des monuments  historiques dont Mérimée est la grande figure. Celui-ci  classe, identifie, les édifices, pour allouer les crédits nécessaires à la remise en état des constructions en péril.























A gauche: La Sainte-Chapelle avant restauration, dessin d'Eugène Viollet-le-Duc. Médiathèque de l'architecture et du Patrimoine (Archives Photographiques) © CMN
A droite: La Sainte-Chapelle après restauration, dessin d'Eugène Viollet-le-Duc. Médiathèque de l'architecture et du Patrimoine (Archives Photographiques) © CMN

La restauration de la Sainte-Chapelle est confiée à Duban, Lassus et Viollet le Duc. Lassus restitue une flèche de gothique flamboyant, dont on ignore si elle existait à l’origine. Si les réhabilitations du lieu ne sont pas identiques à l’original, le souci de la reconstitution est imaginé et pensé en relation avec la consultation d’ouvrages historique et d’architecture.
Actuellement la restauration de la Rose se termine, elle représente l’Apocalypse. Placée à l’ouest couchant, elle marque la fin des temps. St Louis le voulait ainsi, façon de signifier qu’il voulait conduire le peuple de France jusqu’au jugement dernier. La possession de la Couronne d’Epines avait fait de St Louis un roi par élection divine, le situant  historiquement à une place d’exception dans le monde chrétien.

 Au revoir, à bientôt…

Sites consultés (après la visite...)