Bonjour à tous,
Et si je vous dis Art Déco ?... Il arrive que la
confusion se fasse entre arts Nouveau et Déco. Art Nouveau de 1880 jusqu’à la
guerre de 1914-1918, art déco de la fin de cette même guerre et même un peu
avant jusqu’aux environs des années 1930.
L'image de la femme Art Nouveau à gauche, Art Déco à droite Le couturier Poiret la libère de son corset, alors elle se met au régime |
L’expression « Art déco » fait suite à l’Exposition des Arts décoratifs de 1925 à
Paris.
Une Delahaye 1937 |
Meubles Art Déco |
Les grands noms français, dans une liste non exhaustive, sont Le Corbusier en architecture, Lalique
Daum et Baccarat pour la verrerie, Poiret et Chanel pour la couture, Fernand
Léger Tamara Lempika pour la peinture… Ce style a marqué toute l’Europe et les
Etats-Unis, il s’est manifesté dans le design automobile, le mobilier, les
objets du quotidien, les affiches,
l’habillement, tous les arts d’une manière générale. Il est un témoin de l’évolution
des mentalités, de l’entrée de la société dans le monde moderne, il change même
l’image de la femme. Le mouvement Art Déco veut être en rupture avec le
« désordre de l’art Nouveau », et prend en réaction le nom des « années
d’ordre ».
Comment reconnaître le style art déco ? On observe un
mélange d’influences, dont celles de l’Antiquité, des arts d’Afrique et
d’Orient et le cubisme bien sur... Les volumes sont simples, les surfaces
planes. Les formes sont épurées, géométriques,
les pans coupés, en résumé, simplification des formes, stylisation des motifs.
Les matériaux dans la décoration sont froids : du verre, de la céramique,
de l’acier. Le but étant de mettre en évidence la fonction utilitaire de la
création. Les lignes sont brisées, les pilastres cannelés pour élancer la
verticalité, le lotus a la forme d’un triangle, la rose celle de Paul Iribe est
une spirale stylisée. On ne dédaigne pas le cercle, la roue de vélo et ses
rayons, les engrenages, quand ils s’intègrent dans une création rigoureuse et
claire. Le luxe prend sa place avec du mobilier en bois précieux, des
marqueteries de laque, d’ivoire ou de métal.
.
Dans notre région, Art Nouveau avec ses volutes, courbes et
contre-courbes c’est Nancy, Art Déco avec lignes droites, horizontales et
verticales c’est Reims…. Je vous propose un regard architectural dans lequel
cette esthétique s’est pleinement exprimée.
Reims a été dévastée en 14/18 et sur les 14.000 maisons de
la ville, il n’en reste qu’une soixantaine d’habitable. Il faut reconstruire.
Place du parvis Notre-Dame de Reims en 1918 |
Si la ville offre une diversité dans ses bâtiments, elle
porte l’empreinte Art Déco d’une manière
très nette sur une cinquantaine de maisons, sans compter celles qui ont été construites
en même temps et qui ont introduit des variantes au gré des idées du
propriétaire ou des conseils prodigués par leurs maîtres d’œuvre. La ville n’a
pas eu moins de 400 architectes pour sa reconstruction.
Ainsi il est possible de voir des maisons de style gothique
anglais, ou de néo-gothique avec encorbellement à damiers, ou même encore des
bâtisses à faux pans de bois inclus dans la maçonnerie.
La bibliothèque Carnegie, l’hôtel de la Mutualité, le grand
Théâtre illustrent avec élégance et sobriété la notion d’art déco.
La bibliothèque Carnegie à Reims |
A la fin de la première guerre mondiale, l’architecte Max
Sainsaulieu construit la bibliothèque Carnegie de Reims. Le nom est en hommage
à Andrew Carnegie, philanthrope américain qui a contribué à l’édification du
lieu par un apport de fonds exceptionnel. Il voit dans la nécessité de l’étude
un rempart contre l’obscurantisme et la barbarie. Au titre de la Paix Internationale
une dotation de 200 mille dollars est allouée à la ville pour la construction
de la bibliothèque, la réfection du toit de la cathédrale, sans compter la
construction de l’hôpital Maison Blanche.
La bibliothèque a été construite entre 1921 et 1927. Les Ferronniers
Swartz Haumont, le sculpteur Edouard
Sédiey, le mosaïste Auguste Biret, le verrier Jacques Grüber, des marbriers ont
participé avec talent, à la réalisation de l’ouvrage.
Une allée, avec un buste du mécène, conduit à l’entrée du lieu.
On pénètre dans le bâtiment en gravissant quelques marches, symbole d’élévation
vers la connaissance. Deux vases de la manufacture de Sèvres encadrent le
perron. L’entrée surmontée d’un fronton classique, est supportée par deux
colonnes sans chapiteaux terminés par deux bas-reliefs représentant des
arbustes. Ils symbolisent la floraison de l’esprit. On peut y lire « Educunt
folia fructum » : les fleurs conduisent aux fruits.
Sous le péristyle un réseau d’ondulations de mosaïques
colorées, alterné de motifs circulaires, court sur les frises, le sol, les murs
et fait écho à la majestueuse porte de ferronnerie. Cette porte a obtenu la
médaille d’or lors de sa présentation à l’Exposition internationale des Arts
Décoratifs de Paris en 1925.
Le hall d’entrée est une grande pièce carrée de dix mètres
de côté, sa décoration illustre l’idée que le savoir est source de lumière.
Le lustre de l'entrée de la bibliothèque |
Sous une voûte monumentale un lustre en pendentif de base
carrée lui aussi, a été créé par le maître-verrier rémois Jacques Simon. Cette
réalisation est une merveille, imaginez de longues bandes de verre descendant
dans un patchwork de rectangles blancs et gris s’imbriquant les uns dans les
autres où se suspendent des pampilles qui accrochent et reflètent mille éclats!
Sous le lustre, une fontaine symbolise, selon Max Sainsaulieu, la « source de
toutes les sciences et connaissances ». Les murs sont lambrissés de grands
panneaux en onyx d’Algérie encadrés de bandes de marbre vert. Vingt mosaïques
de marbre, illustrent les diverses activités intellectuelles, physiques et
manuelles de l’homme.
Murs d'onyx et bandes de marbre vert |
Dans La salle de lecture un magnifique parquet -carrés de chêne et
d’acajou juxtaposés,
- des murs lambrissés
du même bois précieux rappellent que l’art déco est aussi un art du luxe. La
salle d’étude est éclairée par trois grandes baies ogivales aux motifs toujours
et encore géométriques dont chaque forme est cernée de plomb comme les vitraux
d’une cathédrale, ici celle du savoir.
Les grandes baies ogivales de la bibliothèque Carnegie |
Une verrière zénithale, œuvre de Jacques
Gruber le célèbre maître verrier nancéien, représente un livre ouvert sur les
armes de la Ville de Reims. Au plafond, une corniche en forme d’escalier
renversé ceinture la pièce.
La verrière zénithale de la bibliothèque |
Reims offre une promenade architecturale avec des
constructions des années 1918 à 1930.
L’église Saint-Nicaise, aux vitraux translucides de Lalique
et chapelles peintes par Maurice Denis, est plantée au milieu d’une cité jardin,
imaginée pour les familles ouvrières des années 1920.
Verrière de Lalique dans l'église Saint-Nicaise à Reims |
L’intérieur du Grand Théâtre aux lignes pures et élégantes
en appelle aux Muses.
Escalier de l'Opéra ou Grand Théâtre de Reims |
L’hôtel de la
Mutualité construit en 1927 typique de ces années d’ordre indique par sa conception
tout l’esprit art déco : -une entrée au fronton rectangulaire surmonté
d’une fenêtre octogonale allongée, -une sculpture de fleurs géométriques
retenues dans des étoffes drapées courent sous la corniche.
Haut du fronton de l'hôtel de la Mutualité |
Différents bas-reliefs représentent les métiers, dans l’un
d’eux un cartouche d’instruments de musique, en effet le lieu a été de 1927 à
1934 l’adresse du Conservatoire de musique.
Un cartouche de l'hôtel de la Mutualité |
Bâti sur un angle de rue, l’hôtel
de la Mutualité présente en son intersection un pan coupé indice du goût et des
critères des choix architecturaux de cette époque.
Chaque période artistique suit toujours la même courbe,
balbutiements, épanouissement, apogée, délaissement et interférences avec la
naissance d’un autre courant.
Le style paquebot, une forme tardive de l’art déco, est en
général lié à une construction imposante, immeuble ou grands magasins.
.
Les anciennes Galeries rémoises, ou l’immeuble qui fait face
portent la marque de l’aspect finissant du style. La bâtisse est érigée à la
fourche de deux rues, du point central semblable à la proue d’un navire,
l’ouvrage s’étire de chaque côté de son intersection. Une architecture épurée
qui accentue les formes courbes dans un jeu de longues lignes horizontales. Le
bâtiment est moderne, les formes élancées ou étirées donnent à l’ensemble un
aspect fonctionnel, où l’on devine une recherche d’espace, de lumière dans une
volonté minimaliste : la purification du trait.
Ce type d’immeuble, s’est répandu dans toute la France, une
partie de l’Europe et les Etats-Unis, et, pour parfaire l’illusion on y a même
parfois ajouté des balustrades et des hublots. Il n’est pas sans avoir une
connotation avec les Transatlantiques construits dans les années 1930 dont le
Normandie, un joyau français de l’art Déco où tous les grands noms des métiers
d’art ont pu s’y exprimer : Daum, Lalique, Christofle, les manufactures
d’Aubusson, Jean Dunand peut-être moins connu du grand public et pourtant un
des plus grands créateurs de cette époque.
Façade des Galeries Rémoises |
Le paquebot Normandie |
Reims offre une magnifique découverte pour tous les curieux. Je vous invite à suivre le parcours proposé par le syndicat d’initiative auprès de qui vous pourrez vous munir d’un audio-guide. Il illustrera dans un commentaire précis et détaillé toutes les façades remarquables de la ville en complétant mon cours propos.
Vous retrouverez sur mon blog
« auhasarddesarts.blogspot.com » le texte de l’enregistrement, les
illustrations, ainsi que les sites et les ouvrages consultés pour la
réalisation de cette émission.
Au revoir à bientôt…
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