Pour être grand devant les hommes, il faut se contenter de
dire ce qu'on attend que vous disiez !
On attend de vous que vous ne sortiez pas de votre fonction.
Il faut rester conforme à l'opinion générale et ne rien faire qui désarticule
par trop les habituelles pratiques. Même si cela demande quelques entorses à la
conscience.
Surtout ne rien entreprendre qui dérange le subtil équilibre
des compromissions.
Or voici, un homme le Christ, réduit à rien parce que ni sa
parole ni ses actes ne conviennent : -sa parole sur Dieu et sur les hommes et -sur
la religion et -sur la liberté intérieure !
Ses actes introduisent une autre façon de pratiquer la loi
de Dieu : ses actes en faveur des exclus et de tous les impurs.
Il a fallu le rabaisser publiquement afin de tuer sa Parole
!
Il a fallu le ridiculiser afin de jeter la suspicion sur ses
actes !
Pour faire taire quelqu'un, c'est simple : il suffit de
l'humilier, de le rapetisser, de le discréditer, de le ridiculiser.
Or dans cette histoire, ce qui est nouveau, c'est que celui
qu'on rapetisse, qu'on dégrade, celui-là devient grand pour toujours !
Par son dépouillement volontaire et son libre chemin
de croix, par le don qu'il fait de lui-même, il ouvre une brèche par laquelle
l'humanité pourra prendre la direction de la grandeur.
Les autres, les grands : les pilates, les caïphes, les
détracteurs, les tortionnaires deviennent petits et mesquins. Tant il est vrai
que la haine et l'étouffement de la conscience rétrécissent l'être humain à son
noyau d'animalité!
Jésus est réduit à rien, comme le sont tant d'autres
aujourd'hui encore !
C'est Dieu lui-même qui est rapetissé à cause de sa passion
pour l'humanité qu'il s'entête à vouloir grande et transfigurée.
Avec Jésus dégradé dans son humanité, Dieu se place
définitivement aux côtés de ceux qui sont rabaissés, diffamés, humiliés,
maltraités, insultés parce qu'ils tentent d'élever le cœur de l'homme, et il
leur dit avec tendresse :
"C'est vous qui êtes grands ! Vous êtes mes Serviteurs
qui, avec mon Fils, sauvent le monde ! Heureux êtes-vous si on vous insulte, si
on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à
cause de moi !"
Certes, il ne s'agit pas de courir après les insultes et les
persécutions qu'aujourd'hui dans notre société, on qualifierait plutôt de
harcèlement et d'humiliations, mais lorsque en étant au service d'une parole
juste et en posant des actes de justice et de vérité on rencontre l'hostilité
d'autrui, cela signifie que - assurément -
l'on marche et avance dans les traces du Christ
Marcher à la suite du Christ est un chemin de passion, de
solitude aussi, de souffrance. Celui qui veut suivre le Christ, doit comprendre
et accepter qu'il existe une possibilité de ne pas être accueilli ; c'est
accepter de prendre le risque d'être incompris et rejeté.
Jésus nous affirme qu'il y a, au cœur même de
l'adversité et de l'incompréhension, une expérience du bonheur, de béatitude. Il
nous est indiqué que le vrai bonheur se vit dans la fidélité à la loi de Dieu,
fidélité à la vérité, fidélité à la justice, fidélité à la vie !
La Passion et la Pâque du Christ nous font découvrir que
pour entrer dans la vraie vie, nous ne pouvons pas faire l'économie de la
souffrance et de la mort.
Les béatitudes nous disent comment il nous faut mourir de
tant de manières pour avoir accès au don de la vraie vie qui vient de Dieu et
qui est marquée du sceau de son amour et de son pardon.
Parce que mourir de la sorte est parfois difficile, nous
n'allons pas jusqu'au bout de notre fidélité au Christ, aux valeurs
évangéliques.
Comme Judas, comme Pierre et tous les autres disciples, nous
acceptons d'entrer dans des attitudes de lâcheté, de reniement, de trahison de
nos propres valeurs ou de nos amis plutôt que de prendre le risque des coups et
de l'hostilité pour nous-mêmes.
En nous disant : " Heureux êtes-vous si on vous
insulte, si on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal
contre vous, à cause de moi." Jésus ne se contente pas d'énoncer des
vérités universelles, des principes impersonnels. Il s'adresse à chacune et
chacun de nous en nous questionnant : Es-tu conséquent dans ta manière de
parler, de vivre et d'agir ?
Nos paroles et nos actes sont-ils en effet, en accord avec
ce que nous prétendons croire, avec les valeurs que nous prônons souvent de
manière théorique ou pour les autres sans forcément penser à nous les appliquer
en premier lieu à nous-mêmes ?!
Ceux qui, à la suite du Christ agissent comme Dieu le
demande, ceux qui font la volonté de Dieu et qui vivent l'amour, la douceur, le
partage, la paix, ne seront pas
forcément compris. Ils souffriront nécessairement car sur leur chemin ils
rencontreront l'incompréhension, la violence, le refus de la paix, la moquerie,
l'avidité à l'avoir, au pouvoir, à la gloire, en un mot la misère humaine.
Malgré tout cela, et malgré leur cœur si faible d'amour, il
leur faudra continuer à aimer... à cause du Christ, car seul l'amour permet
d'avancer plus loin que la croix...
Le Christ en croix est le signe donné par
Dieu à notre désarroi et à notre espérance. Tout dépouillement aussi douloureux
qu'il puisse être, conduira vers la Lumière de l'aurore, à la grandeur du matin
de Pâques. C'est cette promesse de vie au cœur même de l'adversité la plus
troublante qui donne naissance au bonheur de pouvoir se relever et se remettre
en marche vers de nouveaux horizons.
Le Christ se révélant aux pèlerins d'Emmaüs - - Rembrandt- 1648 - Huile sur bois - Musée du Louvre - Paris |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire