Exposition Vélasquez au Grand Palais à Paris
Diego Vélasquez - Autoportrait - 1640 Musée des Beaux-Arts de Valence - Espagne |
Dans ce court moment passé près de vous, c’est à touches effleurées
que sera évoquée la richesse de la présentation avec forcément des impasses et
des manquements qu’il vous faudra combler par votre découverte personnelle.
Diego Vélasquez est installé à Séville auprès de son maître
d’apprentissage puis à la cour de Madrid où il devient peintre du roi et de la
famille royale… Une vie traversée en ce début de 17ième siècle
terminée en 1660 dont les toiles retracent l’évolution progressive d’un Maître
qui se façonne à l’étude et la compréhension des Grands
peintres de l’Histoire Le Titien, le Tintoret, Rubens pour ne citer qu’eux.
Encore à Séville, à 19 ans, chez son maître Pacheco, il
peint une Immaculée Conception en
1618. Cette toile exprime la ferveur religieuse de l’Espagne, à l’époque de
l’Inquisition, de l’application du Concile de Trente, et de la Contre Réforme.
Immaculée Conception - Vélasquez - 1618 National Gallery - Londres |
L’artiste peint une jeune fille, en douceur et humilité,
irradiée par un soleil, couronnée de 12 étoiles, les pieds voilés posés sur la
lune symbole de pureté mariale et où sont disposés les emblèmes de l’Immaculée
en référence aux litanies de la Vierge. Une toile de piété, mais aussi un travail de
début de carrière. Bien que belle, la réalisation n’a pas encore la force, l’ampleur
et la puissance de ses futures créations.
Ses contemporains espagnols, Zurbaran, Murillo, Ribera
suivent la tradition des peintures bibliques pour répondre aux commandes des
églises, des couvents, et des nobles.
Vélasquez, bien que fervent catholique, est attiré par la
peinture profane. A ce moment de sa vie, le style et l’influence du Caravage se
font ressentir, il en intègre l’esprit en le modifiant aux couleurs de son
pays, et représente des « bodegònes ». Le Caravage révolutionne
l’esprit de son temps en montrant que le quotidien peut être élevé au niveau de
l’art. Vélasquez a aussi le goût de la vérité, il brosse des tableaux d’humbles
gargotes, dans lesquels des gens simples s’adonnent aux tâches du quotidien,
avec un souci du détail quant à la réalisation des natures mortes. La scène de taverne (celle du musée de
Budapest), les visages se dessinent éclairés de lumière intérieure sur un fond
sombre, et les objets cruche, assiette, bol luisent de leur éclat où l’on
devinerait rien qu’à les regarder la matière dont ils sont faits, terre cuivre ou métal. Un bodegòn peint comme une leçon de sagesse à méditer. Le citron
coupé en deux symbolise la vie qui s’enfuit en même temps qu’un avertissement
des dérives à éviter. Une version picturale du roman picaresque très en vogue
dans cet austère 17ième siècle espagnol.
A cette époque de religiosité et du Siècle d’Or espagnol, Vélasquez dont l’ambition va mener aux plus hautes distinctions
devient peintre du roi Philippe IV à Madrid. Le peintre et le roi ont presque
le même âge. Vélasquez peint le roi tout au long d’une vie pleine d’épreuves,
de difficultés politiques, sociales et personnelles. Un roi plutôt laid et à
qui le peintre par la qualité de son art sait lui donner l’aura du monarque, en
sachant discrètement allonger le cou, diminuer l’avancement du menton, le doter
d’un teint lumineux, lisser les traits du visage. Vous ferez l’exercice
contraire devant Philippe IV en tenue de
campagne… Vélasquez fait de cet homme falot un roi !
Philippe IV en armure - Vélasquez - 1626/28 Musée du Prado - Madrid |
A la cour de Madrid, Rubens en mission diplomatique,
rencontre Vélasquez et l’incite à aller découvrir les maîtres italiens. Venise, Rome,
Naples… A Rome, il esquisse une magnifique Vue
du jardin de la villa Médicis.
Vue du jardin de la Villa Médicis - Vélasquez - 1630 Musée du Prado - Madrid |
Dans une modernité surprenante, la lumière
joue avec le soleil, et l’on entend presque bruisser les feuilles des arbres.
Monet n’aurait pas fait mieux ! Observez, placé juste à droite dans la salle d'exposition, une étude du visage d’Apollon pour la Forge
de Vulcain. Ce travail préparatoire, d’une grande finesse d’exécution donne vie
à -un visage délicat aux traits ciselés et modelés en douceur, des camaïeux de
rose, de beige et d’ocre soulignent un relief d’une gracieuse beauté.
Etude pour le visage d'Apollon - Vélasquez - vers 1630 Collection Privée |
A son retour d’Italie, il peindra l’Infant Balthazar Carlos. On
le voit grandir, par la dizaine de toiles proposées à l’exposition. Bel enfant
qui hélas mourra à ses 16 ans et dont les historiens ne sont pas d’accord sur
les causes de ce soudain décès. L’affiche de l’exposition, nous montre le Portrait de l’Infante Marguerite en bleu, fille
de Philippe IV et de sa seconde épouse et nièce à la fois. Tous les portraits
nous présentent une enfant gracieuse, un peu chétive même si la robe à panier cache la fragilité d’une constitution délicate. Vélasquez aime cette enfant, il
la sublime dans son travail. Il s’agit de cette même petite fille qui rassemble
toute sa famille dans les Ménines. Toile d’un instant suspendu qui n’est pas au
Grand Palais, et montre un roi, une reine, avec un autoportrait de Vélasquez…
Portrait de l'Infante Marguerite en bleu - Vélasquez - 1659 Gemäldegalerie - Vienne |
Tous ces instantanés d’Infants, destinés aux cours royales,
sont à l’effet de mariages choisis pour l’Histoire… Des unions arrangées entre
cours d’Espagne, de France et d’Autriche où l’un épouse sa cousine, quand la belle-mère
est aussi la tante, et le mari un oncle… Une consanguinité qui fera la ruine de
l’Espagne !
Pauvre petit Charles
II successeur de son père Philippe IV d’une santé si débile qu’il n’a parlé
et marché qu’à 5 ans ! Si laid qu’on l’appelle « L’ensorcelé »,
en ces temps de superstition il est difficile de penser que cet être maladif
est un cadeau de Dieu.
Charles II d'Espagne - Juan Carreno de Miranda - 1676 Château de Rohrau - Autriche |
Vélasquez au Grand Palais… une série de salles qui égrènent
une vie, la montée dans la hiérarchie sociale de ce peintre ambitieux, qui
pourtant ne perd jamais sa liberté et continue à peindre des particuliers
riches et pauvres confondus.
De 1649 à 1651, Vélasquez se rend à nouveau en Italie. Sa
mission est d’acquérir des tableaux, des statues pour les collections royales.
Il y accomplit deux œuvres extraordinaires.
Portrait d'Innocent X - 1650 - Vélasquez Galerie Pamphili - Rome |
Le portrait d’Innocent X. La puissance de sa réalisation suscite
une véritable admiration. Le pape scrute et transperce de son regard profond,
pénétrant où pointe le rire malicieux. Le souverain est vivant, il va parler,
ce portrait extraordinaire de vérité psychologique a fait dire au pape lui-même
lorsque le tableau lui a été présenté « Troppo vero » - trop vrai -.
Diego Velasquez a traduit la personnalité d’Innocent X, à la manière du Titien,
par une technique de longues brosses. Elles permettent de peindre à distance
sans avoir à s’éloigner de son chevalet pour juger des effets de sa peinture.
Habilement, pour une exécution magistrale, il traduit à grands coups de pinceau
libres et rapides, le portrait d’un homme dont on devine la bonté et la
rigueur, l’intelligence et la droiture.
Un autre tableau, l’unique nu de Vélasquez, la Vénus au miroir, le profil perdu garde encore son
secret.
Vénus au miroir - Vélasquez - entre 1647 et 1651? National Gallery - Londres |
Oser la nudité à l’époque de l’Inquisition… une toile qui aujourd’hui
fait la fierté de l’Espagne ! Qui est-elle, cette beauté couchée sur un
organza noir et froissé, et, tourne le dos au spectateur ? Nous ne voyons
que la peau nacrée, les courbes gracieuses. Pourtant, pourtant, une telle
beauté de dos, quand dans le miroir tenu par Cupidon, se reflète un visage
lourd et décevant. Est-ce une volonté de Vélasquez ? On s’interroge…Qui
est-elle ? - une comédienne connue pour son goût des draps noirs -ou- la femme qu’il a rencontrée dans la péninsule
italienne et pour laquelle il n’arrive pas à se résoudre au retour à Madrid ? L’histoire ne donne pas la réponse, mais ce nu, dont on peut craindre en
ces temps de vertu pudibonde, le bannissement ou l’excommunication, montre
l’importance qu’il revêt pour le peintre… Une beauté harmonieuse, sensuelle et
délicate pour laquelle le visiteur de l’exposition s’arrête et découvre en écho
le merveilleux marbre antique Hermaphrodite
endormi de la collection Borghèse …
Cette exposition est une ode au talent de Vélasquez,
considéré comme un des plus grands peintres de l’Espagne… Il vous faudra voir,
l’expressivité des visages Le reniement
de st Pierre ou bien encore la galerie de portraits exprimant la sévérité
d’un siècle puritain, ou encore la fraîcheur des portraits de cette exquise et
fragile Infante Marguerite… Son art est une pierre dans
l’histoire de la peinture, précurseur du réalisme dans lequel Courbet et Manet
se reconnaîtront.
Une rétrospective qui selon le commentaire écrit par le
Grand Palais –je cite- « se penche également sur la question des
variations de styles et de sujets … le passage entre naturalisme et
caravagisme, ainsi que son égale habileté à exécuter paysages, portraits et
peintures d’histoire ».
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