Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

dimanche 26 avril 2015

Exposition Vélasquez au Grand Palais à Paris

Exposition Vélasquez au Grand Palais à Paris

Diego Vélasquez - Autoportrait - 1640
Musée des Beaux-Arts de Valence - Espagn
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 En ce moment à Paris au Grand Palais vous pouvez découvrir l’exposition Vélasquez. Commencée en mars, elle se termine le 13 Juillet 2015. C’est une grande rétrospective, en même temps que l’histoire d’un peintre aux multiples influences et facettes, au talent exceptionnel. Le Grand Palais retrace en 53 toiles de ce grand maître et d’autres de ses contemporains, l’itinéraire d’une vie, en filigrane de l’histoire espagnole de son temps.
Dans ce court moment passé près de vous, c’est à touches effleurées que sera évoquée la richesse de la présentation avec forcément des impasses et des manquements qu’il vous faudra combler par votre découverte personnelle.
Diego Vélasquez est installé à Séville auprès de son maître d’apprentissage puis à la cour de Madrid où il devient peintre du roi et de la famille royale… Une vie traversée en ce début de 17ième siècle terminée en 1660 dont les toiles retracent l’évolution progressive d’un Maître qui se façonne à l’étude et la compréhension des Grands peintres de l’Histoire Le Titien, le Tintoret, Rubens pour ne citer qu’eux.
Encore à Séville, à 19 ans, chez son maître Pacheco, il peint une Immaculée Conception en 1618. Cette toile exprime la ferveur religieuse de l’Espagne, à l’époque de l’Inquisition, de l’application du Concile de Trente, et de la Contre Réforme.

Immaculée Conception - Vélasquez - 1618
National Gallery - Londres

L’artiste peint une jeune fille, en douceur et humilité, irradiée par un soleil, couronnée de 12 étoiles, les pieds voilés posés sur la lune symbole de pureté mariale et où sont disposés les emblèmes de l’Immaculée en référence aux litanies de la Vierge.  Une toile de piété, mais aussi un travail de début de carrière. Bien que belle, la réalisation n’a pas encore la force, l’ampleur et la puissance de ses futures créations.
Ses contemporains espagnols, Zurbaran, Murillo, Ribera suivent la tradition des peintures bibliques pour répondre aux commandes des églises, des couvents, et des nobles.
Vélasquez, bien que fervent catholique, est attiré par la peinture profane. A ce moment de sa vie, le style et l’influence du Caravage se font ressentir, il en intègre l’esprit en le modifiant aux couleurs de son pays, et représente des « bodegònes ». Le Caravage révolutionne l’esprit de son temps en montrant que le quotidien peut être élevé au niveau de l’art. Vélasquez a aussi le goût de la vérité, il brosse des tableaux d’humbles gargotes, dans lesquels des gens simples s’adonnent aux tâches du quotidien, avec un souci du détail quant à la réalisation des natures mortes. La scène de taverne (celle du musée de Budapest), les visages se dessinent éclairés de lumière intérieure sur un fond sombre, et les objets cruche, assiette, bol luisent de leur éclat où l’on devinerait rien qu’à les regarder la matière dont ils sont faits, terre cuivre ou métal. Un bodegòn peint comme une leçon de sagesse à méditer. Le citron coupé en deux symbolise la vie qui s’enfuit en même temps qu’un avertissement des dérives à éviter. Une version picturale du roman picaresque très en vogue dans cet austère 17ième siècle espagnol.
 
Scène de taverne - Vélasquez - 1618
Musée de Budapest

A cette époque de religiosité et du Siècle d’Or espagnol, Vélasquez dont l’ambition va mener aux plus hautes distinctions devient peintre du roi Philippe IV à Madrid. Le peintre et le roi ont presque le même âge. Vélasquez peint le roi tout au long d’une vie pleine d’épreuves, de difficultés politiques, sociales et personnelles. Un roi plutôt laid et à qui le peintre par la qualité de son art sait lui donner l’aura du monarque, en sachant discrètement allonger le cou, diminuer l’avancement du menton, le doter d’un teint lumineux, lisser les traits du visage. Vous ferez l’exercice contraire devant Philippe IV en tenue de campagne… Vélasquez fait de cet homme falot un roi !
Philippe IV en armure -  Vélasquez - 1626/28
Musée du Prado - Madrid
A la cour de Madrid, Rubens en mission diplomatique, rencontre Vélasquez et l’incite à aller découvrir les maîtres italiens. Venise, Rome, Naples… A Rome, il esquisse une magnifique Vue du jardin de la villa Médicis

Vue du jardin de la Villa Médicis - Vélasquez - 1630
Musée du Prado - Madrid

Dans une modernité surprenante, la lumière joue avec le soleil, et l’on entend presque bruisser les feuilles des arbres. Monet n’aurait pas fait mieux ! Observez, placé juste à droite dans la salle d'exposition, une étude du visage d’Apollon pour la Forge de Vulcain. Ce travail préparatoire, d’une grande finesse d’exécution donne vie à -un visage délicat aux traits ciselés et modelés en douceur, des camaïeux de rose, de beige et d’ocre soulignent un relief d’une gracieuse beauté.
Etude pour le visage d'Apollon - Vélasquez - vers 1630
Collection Privée

A son retour d’Italie, il peindra l’Infant Balthazar Carlos. On le voit grandir, par la dizaine de toiles proposées à l’exposition. Bel enfant qui hélas mourra à ses 16 ans et dont les historiens ne sont pas d’accord sur les causes de ce soudain décès. L’affiche de l’exposition, nous montre le Portrait de l’Infante Marguerite en bleu, fille de Philippe IV et de sa seconde épouse et nièce à la fois. Tous les portraits nous présentent une enfant gracieuse, un peu chétive même si la robe à panier cache la fragilité d’une constitution délicate. Vélasquez aime cette enfant, il la sublime dans son travail. Il s’agit de cette même petite fille qui rassemble toute sa famille dans les Ménines. Toile d’un instant suspendu qui n’est pas au Grand Palais, et montre un roi, une reine, avec un autoportrait de Vélasquez…

Portrait de l'Infante Marguerite en bleu - Vélasquez - 1659
Gemäldegalerie - Vienne

Tous ces instantanés d’Infants, destinés aux cours royales, sont à l’effet de mariages choisis pour l’Histoire… Des unions arrangées entre cours d’Espagne, de France et d’Autriche où l’un épouse sa cousine, quand la belle-mère est aussi la tante, et le mari un oncle… Une consanguinité qui fera la ruine de l’Espagne !
Pauvre petit Charles II successeur de son père Philippe IV d’une santé si débile qu’il n’a parlé et marché qu’à 5 ans ! Si laid qu’on l’appelle « L’ensorcelé », en ces temps de superstition il est difficile de penser que cet être maladif est un cadeau de Dieu.

Charles II d'Espagne - Juan Carreno de Miranda - 1676
Château de Rohrau - Autriche
Vélasquez au Grand Palais… une série de salles qui égrènent une vie, la montée dans la hiérarchie sociale de ce peintre ambitieux, qui pourtant ne perd jamais sa liberté et continue à peindre des particuliers riches et pauvres confondus.
De 1649 à 1651, Vélasquez se rend à nouveau en Italie. Sa mission est d’acquérir des tableaux, des statues pour les collections royales. Il y accomplit deux œuvres extraordinaires.

Portrait d'Innocent X - 1650 - Vélasquez
Galerie Pamphili - Rome

  Le portrait d’Innocent X. La puissance de sa réalisation suscite une véritable admiration. Le pape scrute et transperce de son regard profond, pénétrant où pointe le rire malicieux. Le souverain est vivant, il va parler, ce portrait extraordinaire de vérité psychologique a fait dire au pape lui-même lorsque le tableau lui a été présenté « Troppo vero » - trop vrai -. Diego Velasquez a traduit la personnalité d’Innocent X, à la manière du Titien, par une technique de longues brosses. Elles permettent de peindre à distance sans avoir à s’éloigner de son chevalet pour juger des effets de sa peinture. Habilement, pour une exécution magistrale, il traduit à grands coups de pinceau libres et rapides, le portrait d’un homme dont on devine la bonté et la rigueur, l’intelligence et la droiture.
Un autre tableau, l’unique nu de Vélasquez, la Vénus au miroir, le profil perdu garde encore son secret.

Vénus au miroir - Vélasquez - entre 1647 et 1651?
National Gallery - Londres

Oser la nudité à l’époque de l’Inquisition… une toile qui aujourd’hui fait la fierté de l’Espagne ! Qui est-elle, cette beauté couchée sur un organza noir et froissé, et, tourne le dos au spectateur ? Nous ne voyons que la peau nacrée, les courbes gracieuses. Pourtant, pourtant, une telle beauté de dos, quand dans le miroir tenu par Cupidon, se reflète un visage lourd et décevant. Est-ce une volonté de Vélasquez ? On s’interroge…Qui est-elle ? - une comédienne connue pour son goût des draps noirs  -ou- la femme qu’il a rencontrée dans la péninsule italienne et pour laquelle il n’arrive pas à se résoudre au retour à Madrid ? L’histoire ne donne pas la réponse, mais ce nu, dont on peut craindre en ces temps de vertu pudibonde, le bannissement ou l’excommunication, montre l’importance qu’il revêt pour le peintre… Une beauté harmonieuse, sensuelle et délicate pour laquelle le visiteur de l’exposition s’arrête et découvre en écho le merveilleux marbre antique Hermaphrodite endormi de la collection Borghèse …

Cette exposition est une ode au talent de Vélasquez, considéré comme un des plus grands peintres de l’Espagne… Il vous faudra voir, l’expressivité des visages Le reniement de st Pierre ou bien encore la galerie de portraits exprimant la sévérité d’un siècle puritain, ou encore la fraîcheur des portraits de cette exquise et fragile Infante Marguerite… Son art est une pierre dans l’histoire de la peinture, précurseur du réalisme dans lequel Courbet et Manet se reconnaîtront.

Une rétrospective qui selon le commentaire écrit par le Grand Palais –je cite- « se penche également sur la question des variations de styles et de sujets … le passage entre naturalisme et caravagisme, ainsi que son égale habileté à exécuter paysages, portraits et peintures d’histoire ».

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