Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

jeudi 4 juin 2015

L'esprit Dada et le Surréalisme

L’esprit Dada et le Surréalisme.

L'esprit Dada naît au milieu de la guerre de 1914- 1918, il s’exprime librement en Suisse, aux Etats-Unis et s’étend en Europe jusque dans les années 1920-25 pour faire place au Surréalisme.
Pour quelles raisons le mouvement Dada a-t-il pu naître, et faire date dans l’histoire de l’art et de la littérature ? Avoir pour référence artistique « la pissotière » de Duchamp, ou les affreux masques de Marcel Janco, ou même encore l’incompréhensible poème « Karawane » d’Hugo Ball on fait mieux en matière de bon goût !







Tristan Tzara réalisé par Marcel Janco 
1919 - Musée Arts Modernes - Paris











Masque Dada -
Assemblage Papiers collés, ficelles, retouche à la gouache et au pastel
1919 - Musée des Arts Modernes de Paris

Pourtant, pourtant… Voilà, un mouvement, un esprit qui prend naissance en Suisse en pleine première guerre mondiale. Quel autre pays aurait pu abriter de tels artistes dans une Europe à feu et à sang? Au cabaret Voltaire de Zürich, Tristan Tzara, Marcel Janco, Hugo Ball, Hans Arp venant de Roumanie, d’Allemagne et d’une Alsace annexée se réunissent et le lieu devient en quelque sorte un café « concert-philo »… Qui sont-ils ces hommes qui déclament, créent, animent des soirées poétiques quand le monde s’étripe derrière les frontières ? Des réfractaires au système, des planqués ? Ils s’opposent à une guerre d’une violence inouïe… Voilà ce que Hugo Ball disait « se rappeler qu’il y au-delà de la guerre des patries, des hommes indépendants qui vivent d’autres idéaux »… 

Pour ces révoltés, il faut, une autre pensée, une autre approche des choses, un monde nouveau -à insuffler -à imaginer –à construire.
Curieux nom, pour baptiser leur courant de pensée « Dada »… Le mot « dada » a justement été choisi au hasard d’un coupe-papier glissé dans un dictionnaire. Prendre un mot, pour qu’il ne soit pas porteur de sens spécifique, sans référence et sans connotation particulière parce que les mots sont Danger ! Le groupe Dada pense que les idées émises par la parole ont amené la guerre qui se déroule en Europe. Il faut, alors, se méfier des concepts émis, de leur interprétation, de la signification qu’on leur donne ou dont on les travestit et qui, finalement conduisent au désastre d’un conflit…
Ainsi le poème « Karawane » d’Hugo Ball, devient dans son non-sens, porteur de message. En voici les premiers vers : « Jolifanto bambla ô falli bambla / Grossiga m’pfa habla horem… ».
 
Karawane - Hugo Ball - poème de 1917

Hugo Ball veut ramener son texte à une poésie sonore, réduite à de simples onomatopées, éliminant tout communiqué artistique ou intellectuel, c’est juste une rythmique à écouter sans la traduire … Ce serait comme être transportés dans un pays imaginaire, auprès d’un peuple dont on ne connaîtrait ni les codes ni les habitudes et pour lesquels dans le but de s’intégrer, il faudrait oublier ses modes de pensée, ses critères d’évaluation et jusqu’à sa bibliographie…Mais c'est aussi pointer l'absurde comme l'est cette Grande Guerre.

L’esprit Dada, -subversif -anti-militariste -anti-hiérarchique, a le désir d’annihiler le système de valeurs qui a amené des hommes à s'entretuer, pour le remplacer par un monde neuf.
Membres du groupe Dada
Au second plan: Ray, Jean Arp, Yves Tanguy, André Breton
Au premier plan: Tristan Tzara, Salvador Dali, Paul Eluard, Max Ernst, René Crevel

Il faut débarrasser la pensée de l’esprit de la guerre, et créer une ligne de front dont le but est d’installer une nouvelle mentalité, un art nouveau…
L’esprit Dada fait école.
En France Marcel Duchamp, Picabia, Aragon, André Breton en sont de fervents défenseurs et diffusent par leur œuvre, ce vent de révolte, d’insoumission et de contestation.
L’histoire de la « Pissotière » de Duchamp est devenue à elle seule, l’icône de l’esprit Dada. 

La fontaine de Duchamp encore appelée la Fontaine de Bouddha ou
La Madone des toilettes - Marcel Duchamp 1917 - Musée des Arts Modernes - Paris

Un « ready-made » une chose toute faite, pour mettre à mal l’art et sa représentation codifiée. Une pissotière en porcelaine rebaptisée « Fontaine de Bouddha »… jouer des mots pour un objet incongru, choisir une porcelaine quand on parle de « couleurs porcelainées » pour des œuvres d’artistes aux valeurs incontestables. Quel pied de nez en même temps qu’un éclat de rire !
Marcel Duchamp a vécu la plupart de sa vie aux Etats-Unis, et c’est à l’exposition de l’Armory Show de New-York en 1917 qu’il présente « son œuvre », masquant son identité sous la signature R.Mutt… L’objet est refusé par le Comité de Sélection. Il avait pourtant été précisé au nom de la liberté de l’art que toute production serait acceptée à condition d’avoir payé le droit d’inscription… Scandale ! Marcel Duchamp appartenant au comité de sélection démissionne, l’objet n’est pas exposé. Le Comité est mis face à ses contradictions, montrant ses limites au même titre que celles des Salons Officiels…
La même année Alfred Stieglitz, photographe et marchand d’art à New-York, expose dans sa galerie « la pissotière » baptisée pour l’occasion « la Madone des toilettes »…

La vraie question qui se pose face à cet objet, c’est : -Qu’est-ce qui fait l’art ? -Est-ce le choix de l’artiste ou l’action de produire ? La proposition de Duchamp révèle l’Avant-Garde de l’époque, crie son mal être, son étouffement des conventions, sa difficulté de vivre, la volonté d’interpeller la société. Il veut changer le regard porté sur l’esprit de la création et la production artistiques. Sa réflexion, une part de ses œuvres sont, de nos jours, interprétées comme « charnière de l’Art moderne » : -donner à l’objet un autre sens, -le concevoir comme une création mentale, -l’expression d’une idée, -un message avant que d’être une émotion artistique.
Léonard de Vinci parlant de la peinture disait qu’elle était d’abord « una cosa mentale » une chose intellectuelle que l’on interprète comme signifiant que l’idée prévaut sur la création…. Certes, la référence est prestigieuse, mais n’est-elle pas sortie de son contexte, pour en faire un slogan derrière lequel on abrite des « approches conceptuelles » comme on dit aujourd’hui ?…
Depuis le musée Pompidou de Paris, a reconnu l’art de Duchamp en achetant en 1986, 12 de ses « ready-made » pour la somme de 1.300.000 francs soit environ 250 mille euros !

D’autres artistes de la famille Dada, ont également proposé des œuvres qui ne manquent pas de laisser le visiteur du musée Pompidou, en interrogation face aux réalisations proposées à la réflexion… Le « Tabac-Rat » de Picabia. 

Tabac-Rat ou la Danse de Saint-Guy
1919 - Francis Picabia - Musée des Arts Modernes de Paris

Un tableau, ou plutôt, un encadrement de tableau, des cordes pour tendre la toile, un nom d’œuvre, un nom d’artiste, une date, un cartel avec un titre, et pas de peinture… Juste les codes utilisés pour une toile, la forme sans le fond, c’est la transgression des conventions établies.

"Est-ce une révolte ?… Non, c’est une Révolution !"

Peu à peu le groupe Dada se scindera et fera naître le Surréalisme. Dali, Magritte, Miro en sont les tenants et Picabia à la croisée des deux styles. Cette époque voit naître des exercices d’imagination qui perdurent encore : écriture automatique, dessins de cadavres exquis, jeux de collages, jeux de mots où l’on détourne le sens originel. On fait des rapprochements insolites, le hasard prend sa place, avec toujours la volonté de chercher à briser le conscient pour atteindre le subconscient. C’est la décennie de 1920/1930, les idées de Freud font florès.
 
Cadavres exquis imaginé par André Breton, Camille Goëmans, Jacques Prévert, Yves Tanguy
Qu’est-ce qu’un « cadavre exquis » ? C’est un jeu à plusieurs, le premier réalise un petit dessin sur une bande de papier, on la plie pour ne laisser apparaître que le dernier trait, on passe au voisin qui continue le dessin sans avoir vu le travail précédent, et ainsi de suite… A la fin, on déplie la bande de papier et on découvre le motif … on l’interprète comme on veut… On y voit de la drôlerie, un message inconscient, un jeu de l’esprit.
Lautréamont écrira dans les Chants de Maldoror, « Beau… comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie »…

Parmi les œuvres des Surréalistes, deux d’entre elles retiennent l’attention, (et surtout ma préférence !)...
En 1926 « La Vierge corrigeant l’enfant Jésus » de Max Ernst… 

La Vierge corrigeant l'Enfant Jésus
1926 - Max Ernst -
Musée de Cologne
L’image est surréaliste, il faut en convenir. Une vierge habillée de rouge et de bleu, on garde les couleurs symboles, -rouge de la passion du Christ, -bleu de la pureté de la Vierge. Pourtant Marie a des épaules de déménageur, et elle est en train de fesser son petit de façon vigoureuse !!! Celles-ci sont rouges des claques reçues, l’auréole est tombée, quand la Vierge garde la sienne ! Cette toile est tendresse, vérité, simplicité, humour. C'est une provocation dans l’expression d’un paradoxe entre l’image que l’on se fait d’un Christ sage et juste et celle d’un petit garçon qui a commis une bêtise. Un gamin qui se révèle être comme tous les enfants du monde et rien à priori ne le distingue de son extraordinaire destinée, puni comme n’importe quel autre enfant. Marie est une mère comme toutes les femmes, elle se fâche « tout rouge » et libère son courroux dans une mémorable déculottée !
Une humanité réaliste qui devient surréaliste en raison des personnages mis en scène.

La seconde toile est « Le Surréalisme crucifié » de Picabia… 
Le Surréalisme crucifié -
1924/25 - Picabia
Musée des Arts Modernes - Paris

Le Surréalisme est en croix. L’allusion au Christ est évidente, bien sûr ! Mais voilà, le Surréalisme est ici représenté dans une crudité choquante… Le Surréalisme, l’homme a des poils aux aisselles, sur la poitrine, au bas-ventre et le périzonium un peu trop court laisse voir les testicules !!!
Subversion, outrage, affront, profanation… C’était en 1924 et personne n’est venu assassiner Picabia et les autres membres du Surréalisme dans leur atelier d’artistes au prétexte que le Christ avait été insulté et bafoué. En 1924, les hommes ont souffert, et il faut laisser la parole s’évacuer. Beaucoup ont appris et compris dans la douleur, que l’hygiène de la guerre n’est qu’un fantasme de monstres. Fantasme qui ne peut pas être soutenu par des hommes de bonne volonté et de foi !

Pour compléter mon propos, je vous invite à la visite du Musée Pompidou à Paris…
A votre tour de porter un regard personnel et d’y ajouter votre interprétation.
Au revoir, à bientôt.


Références consultées :
- http://www.dadaisme.org/dossiers/europe.html
- https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cgjXK4y/rMdEjXq




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