Aujourd’hui, je voudrais vous emmener visiter la Sainte Chapelle de Paris et vous
raconter un peu de son histoire…
La Sainte Chapelle, située en plein cœur de notre capitale,
a été construite sous le règne de Louis IX, celui que l’on nomme Saint-Louis.
La Sainte Chapelle |
Pourquoi construire une chapelle alors que la cathédrale Notre-Dame est à deux
pas de la Cité royale?
Louis IX est un homme pieu, il apprend que la Couronne d’Epines
du Christ, confiée au roi Beaudoin II de Courtenay, empereur latin de Constantinople, a été mise en gage auprès de marchands vénitiens.
Beaudoin II dans l’incapacité
de se libérer de la dette, va perdre l’inestimable souvenir qui sera remis à
l’église Saint-Marc de Venise.
La Couronne d'Epines conservée à la cathédrale Notre-Dame de Paris |
Alors, Louis IX affranchit Beaudoin II de la précieuse hypothèque et
l’acquiert pour la somme de 135.000 livres tournois, c'est-à-dire la valeur de
la moitié du revenu annuel du domaine royal !
Par la suite, il achète
également des fragments de la pierre du Sépulcre et de la Ste lance, la Ste éponge, le Saint Sang et
pour finir le Mandylion. Entendez dans ce mot compliqué le tissu sur lequel se
serait imprimée la face du Christ de son
vivant, ce qui est d’ailleurs l’origine de la vénération des icônes….
Riche de cette Sainte Collection, Louis IX décide de faire
construire une chapelle qui sera le lieu conservatoire de ces objets, symbole du
martyre du Christ.
La Chapelle sera construite de 1242 à 1248…6 ans pour un joyau
architectural conçu comme une châsse qui a coûté 40.000 livres tournois pour
son édification et 100.000 pour sa décoration !
La localisation de cet édifice au sein du Palais Royal n’est
pas anodine. Le lieu affirme le lien sacré entre les reliques et la royauté,
comme le faisaient les empereurs byzantins. Cette proximité a un rôle
judiciaire car ce sont sur les reliques que l’on prête serment dans les
procédures entre seigneurs et vassaux. Elles assurent en même temps une
médiation avec le divin.
Au Moyen-âge foi et pouvoir sont intimement liés. Louis IX
en homme dévot, fin stratège et habile politicien ambitionne d’asseoir sa
politique sur sa généalogie, en inscrivant le Roi de France dans la lignée des
Rois de Judas. C’est la raison pour laquelle, les vitraux racontent l’Ancien
Testament et la Passion du Christ. Louis
IX veut associer la Couronne d’Epines à la couronne royale, affirmation
mystique et très diplomatique de sa puissance.
La Sainte Chapelle n’est pas destinée au public, elle est
construite dans l’enceinte du Palais Royal de la Cité, et Louis IX y a un accès
direct de ses appartements privés. Exactement comme Charlemagne se rendait de la
« aula » ou salle du Conseil à la chapelle de son palais (à Aix-la-
Chapelle) vers l’an 800.
Mais qui a construit la Sainte Chapelle ? Est-ce Pierre
de Montreuil, ou Jean de Chelles son contemporain, tous deux maître d’œuvre et
architecte de la cathédrale Saint-Denis et de Notre-Dame ? Nous ne le savons pas…
Si le sanctuaire est devenu une châsse vide, il
reste un témoignage extraordinaire par son architecture, ses vitraux qui sont pour les 2/3 de leur surface, ceux imaginés et réalisés au 13ième
siècle. L’église palatine de la Cité comporte une chapelle basse et une
chapelle haute.
La Chapelle basse dédiée à la Vierge |
La chapelle basse était réservée en ce temps-là au culte de la
Vierge, elle accueillait les serviteurs
du Roi. Mise en valeur par un magnifique décor peint où des fleurs de lys or se
détachent sur un fond d’azur, elles représentent les couleurs de la dynastie
capétienne, pour devenir les couleurs de la royauté française.
La Chapelle haute, asile des reliques, espace de lumière est
à l’usage unique du roi et de sa famille. Les murs sont des verrières, et
s’élèvent à plus de 20 mètres de hauteur…
La chapelle haute qui autrefois abritait la Sainte Couronne |
Mais comment concevoir une telle prouesse, quand à l’époque
on en est aux arcs-boutants, aux arcades, au triforium et aux grandes
baies ?
Bien sûr l’espace est plus restreint, mais cela tient aussi
à la conception de la construction. Pour la première fois, on utilise le métal,
et, sous les ogives de pierre se trouvent une identique arcature de métal, tout
comme le chœur soutenu par une carcasse de fer, quand un chaînage ceinture la
chapelle. Cette technique ne sera reprise qu’au 19 siècle, elle permet de
construire plus haut, plus lumineux,
puisqu’elle autorise l’évidement des murs. La Chapelle haute, assise sur la
chapelle basse, repose sur de faibles
colonnes et n’est soutenue par aucun pilier, bien sûr des murs boutants
extérieurs soutiennent l’édifice.
L’étage supérieur de la Sainte Chapelle abritait les Saintes
Reliques. Chacune d’entre elles étaient placées dans un reliquaire individuel
en métal précieux, et l’ensemble était rassemblé dans une grande châsse
d’environ 3 mètres de haut, placée sur l’autel dans une sorte tribune, abritée
par un baldaquin. Des religieux veillaient jour et nuit et 3 cierges brûlaient
en permanence. Un double escalier menait à la plate-forme, et l’ouverture
centrale était ornée de deux anges aux mains voilées qui tenaient la Couronne.
Deux anges aux mains voilées tiennent la Couronne |
Le
reliquaire en argent, fondu à la Révolution, pouvait pivoter vers les fenêtres
du chœur, les chanoines ouvraient une des verrières et présentaient la couronne
au peuple amassé sous les fenêtres.
Le reliquaire : armoire aux reliques |
La décoration de la partie basse des murs n’est pas celle du
début, mais on a imaginé qu’elle était à l’image du Psautier de Saint Louis.
Cet ouvrage enluminé représente les constructions gothiques de ce siècle, et
les couleurs bleu rouge et or retrouvent sur les vitraux, elles sont aussi les
couleurs du roi Louis IX (bleu et or)et de sa mère Blanche de Castille (rouge
et or).
Dans la Chapelle, 12 apôtres au sommet de colonnes et placés
le long de la nef, rappellent qu’ils sont les compagnons du Christ et les
piliers de l’église. Ils ont perdu les attributs qui les rendent
reconnaissables, par exemple St Pierre et la clé, Saint Paul et le glaive ou st
André et sa croix en X. Ils tiennent dans leurs mains un disque marqué d’une
croix qui rappelle la consécration du lieu. Les statues originelles ou ce qu’il
en reste, sont au musée de Cluny.
Vierge à l'enfant en ivoire sculpté provenant de la Sainte Chapelle |
Il y avait aussi, une statuette d’ivoire que l’on peut
observer, maintenant, au Louvre dans le département « objets d’art du
Moyen-âge », une Vierge de tendresse, preuve du développement du culte
marial. Paris en ce temps-là est la capitale incontestée du travail de
l’ivoire. Cette Vierge est l’idéal de la beauté gothique, de ce style de ce que
l’on appelle « l’Art parisien » du 13ième siècle : un
visage aux yeux fins en amande, des pommettes saillantes, un sourire délicat,
des cheveux ondulés, un léger déhanché pour porter son enfant à qui elle
présente une pomme, le drapé de sa robe est dit « drapé en bec » il
est la marque de la statuaire de cette époque.
La Sainte- Chapelle a connu au cours des siècles, incendies,
inondations, et les destructions ont été nombreuses, y compris la maçonnerie
extérieure. L’époque troublée de 1789 a détruit les symboles de la royauté et
le mobilier, les stalles, le jubé ont disparu.
Seule la Couronne d’Epines est sauvée avec un morceau et un
clou de la Croix. Les reliques ont été
cachées par des prêtres qui les ont remises à l’archevêché de Paris. Elles sont
toujours à la Cathédrale Notre-Dame.
Après bien des vicissitudes, la Ste Chapelle retrouve son
lustre sous Louis-Philippe. Cette époque est l’âge d’or des restaurations, vues
dans l’approche du passé avec un intérêt marqué pour l’histoire nationale. Sous
la monarchie de Juillet, Guizot crée la fonction d’inspecteur des
monuments historiques dont Mérimée est la
grande figure. Celui-ci classe,
identifie, les édifices, pour allouer les crédits nécessaires à la remise en
état des constructions en péril.
A gauche: La Sainte-Chapelle avant restauration, dessin d'Eugène
Viollet-le-Duc. Médiathèque de l'architecture et du Patrimoine (Archives
Photographiques) © CMN
A droite: La Sainte-Chapelle après restauration, dessin d'Eugène
Viollet-le-Duc. Médiathèque de l'architecture et du Patrimoine (Archives
Photographiques) © CMN
La restauration de la Sainte-Chapelle est confiée à Duban,
Lassus et Viollet le Duc. Lassus restitue une flèche de gothique flamboyant,
dont on ignore si elle existait à l’origine. Si les réhabilitations du lieu ne
sont pas identiques à l’original, le souci de la reconstitution est imaginé et
pensé en relation avec la consultation d’ouvrages historique et d’architecture.
Actuellement la restauration de la Rose se termine, elle
représente l’Apocalypse. Placée à l’ouest couchant, elle marque la fin des
temps. St Louis le voulait ainsi, façon de signifier qu’il voulait conduire le
peuple de France jusqu’au jugement dernier. La possession de la Couronne d’Epines
avait fait de St Louis un roi par élection divine, le situant historiquement à une place d’exception dans le
monde chrétien.
Au revoir, à bientôt…
Sites consultés (après la visite...)
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