Encore de l’Impressionnisme? Oui encore ! Mais cette
fois-ci il y a tant de toiles qui viennent des Etats-Unis et des musées
d’Europe que vous y découvrirez des
œuvres très rarement exposées en France. C’est en cela que réside le plaisir et
l’originalité de cette présentation.
Les thèmes impressionnistes sont toujours identiques,
reproduire une sensation, une impression, capturer les variations d’ombres et
de lumières, les reflets de l’eau, l’expression d’un sourire, d’un regard… intercepter,
appréhender l’éphémère pour restituer d’un trait d’une couleur la fugacité des
êtres, des choses, des lieux dans une belle harmonie composée...
L’exposition dit aussi en préambule « Paul Durand
Ruel » et c’est sur cet homme que je souhaiterais porter une attention
particulière… Qui est ce personnage ? C’est un marchand d’art, il achète
des œuvres les fait connaître au public et les vend ou les garde en collection
particulière.
Vers les années 1870, pour exposer, plaire et être à la
mode, il faut appartenir au cercle des
peintres académiques qui exposent dans les Salons officiels. A l’époque les
peintres connus s’appellent Alexandre Cabanel, Jean-Léon Gérôme,
François-Joseph Heim ou William Bouguereau. L’originalité de PDR est d’être en
marge du regard convenu sur la peinture et en avance sur son temps.
Charles X distribuant des récompenses au Salon Officiel de 1824 - F.J Heim Illustration de toiles disposées "à touche-touche" |
Les peintres Courbet, Manet, Monet, Pissaro, Sisley, Renoir
et Cézanne que PDR tente de promouvoir font figure de barbouilleurs. D’ailleurs,
à la première présentation Impressionniste de 1874 chez Nadar, la critique est
si virulente que la salle est gardée par des policiers. Un journaliste écrira «Ces
gens sont fous, mais il y a plus fou qu'eux, c'est un marchand qui les achète!»
Paul Durand-Ruel - 1910 - Renoir Huile sur bois - Archives Durand-Ruel |
Né en 1831, ses parents font commerce de papier et d’objets
nécessaires aux artistes peintres. Ils exposent dans leur magasin les toiles
qu’on leur confie. C’est de là, sans doute, que naît l’intérêt de Paul Durand
Ruel. Une passion qui s’affinera et l’amènera à la reconnaissance qui lui est
due. Cet homme apprécie les maîtres anciens, les peintres de l’Ecole de
Barbizon. Mais voilà, il découvre « la gare Saint-Lazare » de Monet, « le
Boulevard Montmartre » ou « l’Avenue de l’Opéra » de Pissaro,
les danseuses de Degas, et les beautés de Renoir … L’esthète marchand d’art est
subjugué, il perçoit avant les autres, ce nouveau courant, cette révolution
artistique, il flaire dans une intuition impalpable, le bouleversement
esthétique qui point.
Durand Ruel est un précurseur, il agit exactement comme les
galeristes d’aujourd’hui :
- joue un rôle essentiel en tant que découvreur d’un
artiste, - fait connaître un mouvement ou un style pictural, - confère à
celui-ci la notoriété qu’il n’a pas encore. Parmi les marchands d’art ou
galeristes célèbres, il y a eu Ambroise Vollard qui a repéré Cézanne, Van Gogh,
Gauguin, Matisse, ou encore Kahnweiler distinguant les cubistes dont Picasso et
Braque pour ne citer qu’eux.
Mais pour Paul Durand-Ruel, les choses ne sont pas faciles.
Il achète ce qui ne se vend pas, quand
il faut vendre ce qui fait vivre… Cependant, il négocie les toiles des
peintres académiques et assure avec le produit de la vente la survie des
Impressionnistes. L’homme est tenace et fidèle, il croit en ces nouveaux
peintres, et malgré les aléas économiques, la faillite de sa banque, les difficultés financières, la guerre
franco-prussienne, il ne perd pas de vue son objectif, le soutien et
l’entretien de ces peintres désargentés. Il fait « le Pari de
l’Impressionnisme », le pari de la réussite !
La maison du pêcheur à Varengeville - 1882 - Monet Musée de Rotterdam - Pays-Bas |
« Le Pari Impressionniste » actuellement au Musée
du Luxembourg, jusqu’au 8 février 2015,
nous permet de comprendre la fonction du marchand d’art. PDR a consacré une
grande partie de sa vie à promouvoir les Impressionnistes. Il s’est toujours
battu par fidélité à ses opinions et à ceux en qui il croyait !
Il a frôlé la ruine plusieurs fois, Ainsi, quand contraint
de rembourser un emprunt suite à la faillite de la banque de l’Union Générale,
il ne brade pas les toiles que Renoir, Monet, Pissaro, Sisley lui ont confiées…
Pour honorer sa dette il vend des œuvres dont les noms sont reconnus. Il ne
sacrifie ni ses achats ni ses ventes. Cet homme est de droiture et de loyauté.
Comment PDurand-Ruel, marchand d’art procède-t-il pour faire connaître
et défendre ce mouvement Impressionniste ?
- En contre-partie de l’exclusivité de leurs travaux qu’il
se charge d’exposer, il verse régulièrement une somme aux vraiment -pauvres Impressionnistes-
. Ce qui fera dire à Monet « Sans Durand-Ruel nous serions morts de
faim ».
- Le marchand sait que pour être connu, il faut être reconnu
et communiquer … Il ouvre une galerie
rue Laffite à Paris qui est la rue des experts et des marchands de tableaux. Son
appartement Rue de Rome comporte plus de 300 œuvres et peut être visité par tous
ceux qui veulent découvrir cette peinture si décriée…
- Durand-Ruel a compris l’impact des publications, alors
paraît en 1869 « La Revue internationale de l’Art et de la
Curiosité » et en 1890 « L’Art dans les deux mondes ». Ces
magazines sont un bon moyen de former le regard du collectionneur, et assurent
ainsi la promotion des artistes. Ses galeries sont également indiquées dans les
guides touristiques.
- Durand Ruel, choisit d’organiser des présentations individuelles
dédiées à un peintre en particulier. A l’époque où les tableaux sont accrochés
à touche-touche, il choisit de les disposer de manière aérée, pour leur offrir
une dimension personnelle et apporter une respiration à chaque composition.
- Ce qui va essentiellement contribuer à la reconnaissance
des Impressionnistes, ce sont les expositions que Durand Ruel organise dans les
galeries de Bruxelles, Londres, Berlin, New-York et Boston. Les Etats-Unis
découvrent avec ravissement le style impressionniste et c’est par eux et grâce
à eux que le succès va s’installer !
Au Salon Officiel de 1874, Durand Ruel avait admiré le
travail de Mary Cassatt, une jeune américaine artiste inconnue. Il n’avait pas
hésité à lui offrir une exposition monographique en 1891. Lors de la venue de
Durand Ruel à New-York, Mary Cassatt en excellente intermédiaire et femme de
mémoire, lui présentera les grands collectionneurs américains, les grandes
fortunes du pétrole, des chemins de fer et de l’acier. Le succès est assuré…
La jeune fille au chat - 1880 - Renoir Art Institute- Williamstone- Massachussets |
Je vous invite à aller visiter cette exposition Impressionniste
au Palais du Luxembourg à Paris qui a lieu jusqu’au 8 février 2015.
Durand-Ruel, un homme en avance sur son temps, communique,
respecte ses partenaires, reste fidèle à ses idées en acceptant toutes les
différences de son siècle. « Catholique fervent et monarchiste convaincu
il soutient l’art du communard Courbet et de l’anarchiste Pissaro » parce
que pour lui le critère essentiel de sélection c’est la Beauté !
A Paris, l’Exposition universelle de 1900 met à l’honneur
les Impressionnistes, c’est la consécration d’un homme qui a lutté pour sa
vérité. Une vérité qui est devenue la nôtre, l’Impressionnisme est un des
mouvements le plus apprécié et le plus connu du grand public. Aujourd’hui
encore, nombre de peintres figuratifs ont à cœur de restituer, à leur manière
et dans leur style, les impressions de
mouvement, de lumière, d’ombre pour illustrer leur création.
Durand-Ruel a vendu tout au long de sa carrière 12 000
tableaux, dont entre autres 1 500 Renoir, 1 000 Monet, 800 Pissarro, 400 Degas,
400 Sisley, 400 Cassatt, 200 Manet.
Lorsqu’il meurt en 1922, il vient d’être décoré de la Légion
d’Honneur non pas au titre des Beaux-Arts mais du commerce extérieur !
L'appartement de Paul Durand-Ruel - 35 Rue de Rome à Paris Les portes ont été peintes par Monet, au mur de droite on aperçoit "la jeune fille au chat de Renoir |
Références des consultations:
- L’objet d’art, hors série exposition – Paul Durand-Ruel.
Le pari de l’Impressionnisme
- L’album de l’exposition : Paul Durand-Ruel. le Pari
de l’Impressionnisme
Sites :
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