Connaissez-vous Caudry, une petite ville du Cambrésis dans le département du Nord, située entre Cambrai la ville aux croquants bonbons mentholés appelés bêtises, et le Cateau ville natale d’Henri Matisse ?
L'entrée du musée de la dentelle et de la broderie de Caudry |
Depuis 1995, Caudry est classée « ville des métiers
d’art ». Je vous invite à en découvrir les raisons à visiter son musée de broderies et de dentelles, à
errer dans la cité, à retrouver l’âme de cette petite bourgade de tullistes ou fabricants de tulle,
et de brodeurs qui a connu la grandeur et la richesse, la décadence et la
misère, pour renaître au cours de ces dernières décennies …
Les rues étroites aux habitations de briques d’argile cuite,
lignées d’un mortier blanc portent la marque de son patrimoine : place des
Mantilles, rue de Calais, rue de Chantilly, rue Leavers…
Chantilly, mais c’est une ville où l’on fabrique de la
dentelle ? Une ville oui, mais c’est à Caudry que l’on fabrique la
dentelle de Chantilly, voilà qui est plus précis !
Leavers … C’est l’inventeur du métier qui a permis de
fabriquer une broderie sur tulle avec le système Jacquard. La fortune de cette
innovation s’est installée durablement car elle a été, dès le début, en mesure
de concurrencer le travail à la main.
Les premiers métiers, importés d’Angleterre, ont été
installés à Caudry en 1826.
Lorsque l’on choisit d’acheter ou d’offrir une nappe, une
robe, des sets de tables, ou quelques colifichets en dentelle, on ignore bien
souvent l’origine de ce « made in France », ainsi que toutes les
étapes de création d’un article que l’on trouve … assez cher …
La broderie sur tulle
requiert un art de la création, une multitude d’étapes, une maîtrise
professionnelle insoupçonnée, de sa conception jusqu’à sa commercialisation.
Tous les vieux métiers d’il y a deux siècles déjà, au
service de cette fabrication existent encore. Si leur pérennité contribue au prestige
de cet art, à leur survivance dans notre monde actuel, c’est parce que le
savoir-faire de la dentelle et de la broderie a su s’adapter aux nouvelles
technologies : s’automatiser, s’informatiser, technique et
maîtrise, marque du présent dans le respect du passé en sachant se
renouveler, se conformer aux besoins et même insuffler la mode.
Le musée de la broderie et des dentelles de Caudry est
installée, dans l’ancienne fabrique des frères Carpentier au cœur de la cité.
L’architecture de l’usine est en adéquation avec -la fonction pour laquelle elle
a été créée, -du lieu où elle a été implantée, -un ensemble conçu pour une
utilité déterminée. Les murs de briques rouges constituent un matériau peu
onéreux, disponible sur place, facile et léger à acheminer. La charpente métallique du plafond, témoin de cette fin du
19ième siècle a l’avantage de -limiter l’encombrement, -réduire les
risques d’incendie, -augmenter les portées, et, les grandes fenêtres apportent
la luminosité nécessaire aux travaux des ouvriers tullistes.
Ancienne usine de broderie des Frères Carpentier Aujourd'hui musée de la broderie et de la dentelle Caudry |
L’espace en lui-même se divise en fonction des actions à
réaliser et des qualifications nécessaires à solliciter.
Avant l’entrée en atelier, le motif de la broderie a été
dessiné, sorti de l’inspiration d’un véritable artiste. L’esquisse est ensuite reportée
sur un ordinateur, quadrillée, scannée, chaque ligne du dessin est codée, l’ensemble
commandera les barres du métier à broder. C’est la création du fameux jacquard,
informatisé de nos jours. Autrefois chacune de ces étapes étaient manuelles, et
le métier actionné par un pédalier à ses tout débuts.
Dans la fabrique, l’ouvrier vit au rythme du bruit du métier
à broder… Enchaînement de déclics et d’éclats, grincements et onomatopées d’une
œuvre vivante où le maître artisan connaît, reconnaît chaque souffle et
s’inquiète si une note vient à changer…
Une pièce qui se grippe ? Un fil qui se casse ?
Faut-il graisser quelques rouages à la mine de plomb, remplacé maintenant par
l’opalon un lubrifiant synthétique ?
Etre à l’affût des silences, des syncopes, des mesures, du
rythme de la machine comme à la vigilance de l’avancée de la pièce qui
s’enroule lentement autour de l’axe du métier. Repérer un fil rompu, le marquer
pour la raccommodeuse, arrêter le lourd métier, réparer le fil dans la pièce à
l’aide d’un long crochet, relancer la monstrueuse machine de plus de 10 tonnes
qui réalise un tissu d’arachnée de 5m de large sur 10 à 20 m de long.
Le métier à broder Leavers |
Pendant ce temps, dans la partie la plus lumineuse de
l’atelier, les ouvriers n’entendent même plus le lancinant battement des
machines.
Certains préparent les bobines, c’est encore une étape qui
se fait entièrement à la main. Elle demande une vue de lynx associée à une
minutie remarquable. Imaginez … Il faut insérer des brins de soie, de lin, de coton ou de
laine d’une extrême finesse entre deux
disques de laiton, dont l’interstice
correspond à celui du chas d’une petite aiguille à coudre. Puis, il faut placer
dans un chariot ces 300 bobines chargées chacune d’environ 120 m de fil, et les
installer au cœur du métier à broder. D’autres ouvriers mettent en place les
fils de chaîne sur la machine à ourdir, ils se croiseront avec la trame pour
concevoir la base du tulle à broder. D’autres dévident… Ils sont aux pièces,
cela demande une vraie qualification professionnelle pour atteindre un niveau
de dextérité et de rapidité remarquables.
La machine à ourdir |
Le musée de Caudry vous invite à découvrir toutes les étapes
de la fabrication de la dentelle au travers d’un film, avec également certains
jours un ouvrier qui fait fonctionner pour vous un métier à broder du siècle
dernier….
Cet art de la dentelle et de la broderie a pris sa place
dans ce qui se nomme le luxe.
Un produit fini qui ne dit rien des nombreux corps de métier qui travaillent en synergie pour arriver à ce résultat de haute qualité.
Un produit fini qui ne dit rien des nombreux corps de métier qui travaillent en synergie pour arriver à ce résultat de haute qualité.
Raccommodeuses d'autrefois |
La raccommodeuse d'aujourd'hui |
Il reste encore, après la fabrication, les travaux de contrôle. La raccommodeuse qui cherche la maille filée et la reprend à l’aiguille, l’écailleuse qui découpe au ciseau les bordures, les travaux d’apprêt, de teinturerie, de mise en valeur pour ennoblir le produit avec des ajouts de perles, de fils métalliques …
Ce travail d’artisan est devenu un métier d’art, il reste l’expression d’un passé et d’une histoire régionale. La fonction de fabriquer la dentelle, s’est fondu avec la création artistique, en aliénant la technologie pour inventer le faste et la beauté… des éléments qui ont conduit une petite ville vers cette réussite.
Caudry a dû pour survivre, s’adapter, lutter, combattre face
à la concurrence. Attirer les créateurs, en proposant sans cesse une
diversification dans la présentation du produit : thermocollage pour une
tenue rigide en bagagerie ou industrie de la chaussure, impressions par
transfert pour retrouver des modèles dans l’habillement et même la lunetterie, calandrage
pour lustrer, cirer ou vernir la dentelle…
Toutes ces créations
et ces innovations sont une référence en haute couture. Chanel, Dior, Lanvin,
Gauthier, Elie Saab, Oscar de la Renta sont les clients des 6 maisons de la confection
caudrésienne. Ils ont habillé Marylin Monroe, Grâce de Monaco, habillent Kate Middelton, et plus récemment
encore Amal Alamuddin… Des noms célèbres qui font référence, sans oublier le
monde du cinéma, dentelles et broderies
des films « Le Bossu », « Ridicule », « Gatsby le
Magnifique »…
Je vous invite à aller découvrir ce musée, il est à l’image
des gens du Nord, simples, travailleurs, courageux et opiniâtres.
L’industrie textile de cette région a traversé des moments
difficiles, elle porte le témoignage de son passé : - destruction de
l’outil de travail en 1914, -récession des années 1950-1960, et à chaque fois,
renaître, se battre, vouloir l’impossible et le rendre possible par une
activité, une écoute, une observation des besoins, la volonté de réussir, la
capacité d’inventer des produits innovants.
Le musée rend compte des avancées et des recherches
permanentes de cette industrie textile devenue synonyme de l’opulence, du
glamour, et de la beauté.
En ce moment même, une exposition en rez-de-chaussée
« Métamorphe » 19 dessins imaginés par une jeune graphiste issue de
l'Ecole Supérieure des Arts Appliqués et du Textile de Roubaix. Deux
expositions sont à découvrir à l’étage de l’atelier
-
dentelles tendances et influences
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