Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

mercredi 29 octobre 2014

Le Pérugin au Musée Jacquemart André

Exposition "Le Pérugin" au musée Jacquemart- André


Aujourd’hui je vous emmène au musée Jacquemart André voir l’exposition « Le Pérugin, maître de Raphaël ». Pietro Vannucci est appelé « Le Pérugin » car il est né dans une bourgade près de Pérouse. 

L’exposition actuellement en cours se termine le 19 Janvier 2015 

Ce peintre né vers les années 1450 et mort en 1523 a marqué profondément son époque. En ce temps-là sa peinture, son style, ses œuvres sont plus appréciés que celles de Raphaël lui-même, ce qui indique son niveau de notoriété.
Né en Ombrie, une région frontalière avec la Toscane et le Latium, le Pérugin a rencontré les plus grands peintres, assimilé les leçons de ses maîtres dont particulièrement celles de Della Francesca puis Verrocchio.
Della Francesca, peintre et mathématicien lui fait acquérir les notions de perspective, et de géométrie. Le Pérugin gardera de cette formation la maîtrise de la composition, l’harmonie de la forme et de la couleur. Il part à Florence recevoir les leçons de Verrocchio, celui-ci peintre sculpteur et orfèvre travaille pour la cour des Médicis. Le Pérugin se retrouve avec  Léonard de Vinci, lui-même en formation chez le maître. Ils y apprendront la maîtrise de la ligne, le sens du modelé, les effets de lumière…
Le Pérugin a 30 ans, le voilà appelé à Rome pour peindre la chapelle de la  Conception aujourd’hui disparue, et décorer la Chapelle Sixtine dans laquelle il a réalisé, deux merveilleux tableaux, « le baptême du Christ »  et « la Remise des clés à St Pierre ».
La remise des clés à St Pierre - 1482 - Chapelle Sixtine - Rome

La décoration de la chapelle est une entreprise collective dans laquelle  il a travaillé avec Botticelli, Ghirlandaïo et Rosselli et bien d’autres, dont Michel-Ange bien sûr !


L’exposition « Le Pérugin maître de Raphaël » rassemble une cinquantaine de toiles, réparties en thèmes, de ses premières années en passant par Pérouse et Florence, puis Rome et Venise avec les années de maturité. Une salle pour les débuts de carrière, une autre réservée aux Madones calmes et apaisantes, une autre pour les portraits, ou bien encore la peinture profane, enfin, la salle pour analyser en détail et en comparaison, les points communs, les sources d’inspiration entre Raphaël et lui.

On ne sait si le Pérugin a vraiment été le maître de Raphaël, ou si Raphaël a tiré les leçons d’une juste et intelligente observation. Mais, il n’y a aucun doute, l’œuvre du Pérugin a joué un rôle majeur dans l’art de Raphaël. Regardez les compositions, les constructions, les thèmes jusqu’à la façon dont les deux hommes peignent les arbres, silhouettes découpées et ciselées, c’est la même finesse la touche.
Le mariage de la Vierge - 1501/1504 - Le Pérugin -
Musée des Beaux-Arts de Caen
Le mariage de la Vierge - 1504 - Raphaël -
Pinacothèque de Brera à Milan

Le Pérugin introduisait des cristaux de verre dans sa peinture, vous serez émerveillé par la luminosité vibrante et la rythmique des couleurs, la ligne des corps, les multiples attitudes, les drapés des robes ou des toges…
En comparant avec les toiles de ses contemporains qui sont en exposition, voyez les arrière-plans paysagers, les ouvertures de lumière,  compositions classiques et rigoureuses qui gardent de la délicatesse et de la douceur.
L’exposition rassemble des œuvres qui viennent pour l’essentiel des musées européens,  beaucoup d’Italie bien sûr, de Grande Bretagne, de Suisse, également de France. Notre pays possède quelques toiles du maître,  certaines au  Louvre, une au musée de Rennes. 

Une «Vierge à l’enfant »  tempera sur bois, peinte vers 1470 appartient spécifiquement au fonds permanent du Musée Jacquemart André. Achetée par Nelly Jacquemart en 1884, cette femme passionnée de Renaissance italienne ne s’était pas trompée en faisant cette acquisition qui à l’époque n’était pas encore attribuée au Pérugin…
La Vierge à l'enfant - 1470 - Le Pérugin - Musée Jacquemart André - Paris

Regardons cette toile. C’est une œuvre de jeunesse, Le Pérugin a environ 20 ans.
La Vierge tient son enfant debout sur le bord d’un parapet.
En arrière plan un paysage, des arbres vraisemblablement des essences méditerranéennes s’étagent et s’ouvrent sur un autre niveau de massifs montagneux, enfin au fur et à mesure que l’horizon s’éloigne le ciel s’éclaircit …
Il s’agit d’une technique picturale, propre à cette fin du 15ième siècle. A cette époque on maîtrise insuffisamment la perspective mathématique et la méthode employée est dite la perspective atmosphérique. Elle consiste à marquer la profondeur par plans, pour aller du plus proche au plus lointain, des couleurs les plus sombres au plus claires au fur et à mesure de l’éloignement.
Assurément Le Pérugin a assimilé les influences flamandes en représentant la Vierge et l’enfant dans un décor paysagé quand ses maîtres se contentaient encore d’un fond d’or…
Dans une volonté décorative une guirlande de roses rouges, roses et blanches souligne la délicatesse des traits de Marie…Découvrez-là, toute de douceur et de modestie, coiffée d’un double voile, habillée d’une magnifique robe de brocart rouge aux reflets moirés, un mantelet bleu bordé d’un galon d’or repose sur ses épaules. Un bijou ferme un col de fourrure…  
Le rouge de la robe est ici la symbolique de la Passion, le bleu du manteau porte 3 concepts
–les Cieux -l’Eglise -la virginité de Marie. Rouge et bleu associés font le lien entre la mère et le sacrifice du fils. Le bijou d’or ciselé montre  4 perles sur le pourtour, alternées avec des coquilles filigranées, un rubis au centre du médaillon.
La perle depuis les civilisations antiques est symbole de fertilité. Dans la religion chrétienne elle est l’emblème du Christ, de sa naissance virginale. 4 perles pour les saisons, les points cardinaux, les éléments (air, terre, eau et feu), les cavaliers de l’Apocalypse, les 4 évangélistes… Ainsi, rien n’est laissé au  hasard. Le Pérugin diffuse son message, et laisse le soin d’en décrypter le sens.  Sur cette tempera, Marie lit. On peut imaginer, qu’il s’agisse des Saintes Ecritures, un texte relatif au destin tragique du petit qu’elle entoure avec tant de tendresse, d’ailleurs les manches de sa robe sont noires… Ce n’est pas un hasard !
L’enfant Jésus nimbé est debout sur une rambarde, manière pour Le Pérugin de le rendre plus proche de nous… Enfant nu, il rappelle la simplicité de sa naissance, sa main droite levée en signe de bénédiction le distingue de tous les autres enfants. Dans sa main gauche, un fil de soie presque invisible, enroulé autour de son index,  le relie à la patte d’un chardonneret, en passant sous le pouce de Marie …Tout ici est allégorie : le fin cordon qui relie Jésus à l’oiseau, en passant par Marie, annonce l’inéluctable martyre prochain. Le chardonneret se nourrit d’épines, référence à la couronne d’offense et de douleur.


Si je vous ai largement détaillé « la Vierge à l’enfant » de 1470 qui se trouve en permanence dans le musée Jacquemart à Paris, c’est parce que nulle part, je n’ai trouvé un commentaire détaillé de cette œuvre…
J’aurais pu encore, vous parler du regard vivant et profond de « Francesco delle Opere » qui tient dans sa main un petit rouleau sur lequel est inscrit « Timete Deum » c'est-à-dire « Craignez Dieu ». Le Pérugin a peint cette toile en 1494, au départ des Médicis, à l’arrivée du terrible Savonarole instaurateur d’une dictature théocratique à Florence. Le bûcher, les gibets sont en service et il vaut mieux être dans la ligne du redoutable dominicain. Imaginez que même Botticelli a jeté quelques une de ses toiles au bûcher des Vanités, des nus féminins tellement réprouvés par le farouche autocrate !
Francesco delle Opere - 1494 - Le Pérugin - Galerie des Offices - Florence 

J’aurais encore pu évoquer la magnifique « Marie Madeleine » traitée dans un sfumato de couleurs brunes et dorées… Léonard son frère d’apprentissage, lui apprend le sfumato de  da Vinci....
Marie-Madeleine - 1500 - Galerie Palatine - Florence

Enfin, il ne faut pas ignorer le reproche qui a été fait au Pérugin, celui de n’avoir pas su  renouveler son art, ainsi que les critiques de Vasari l’accusant d’être un mauvais garçon athée. !
Tel n’est pas l’avis de Vittoria Garibaldi la commissaire de l’exposition, elle défend au contraire, suite aux recherches qui ont été faites, la thèse d’un peintre d’amour et de foi, d’un homme qui intègre les découvertes de son temps y compris les techniques des peintres du Nord.

Dans cette exposition « Le Pérugin maître de Raphaël » l’audio-guide vous sera très utile pour accompagner votre visite. Le lieu est ouvert tous les jours et vous pourrez profiter de la découverte de cet hôtel particulier si magnifique !

Au revoir, à bientôt

Livres consultés
Catalogue de l'exposition "Le Pérugin"
La vie des peintres de Vasari





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