Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

mercredi 17 septembre 2014

La grand'maison de Jacques Coeur

La grand’maison de Jacques Cœur

 Aujourd’hui je vous emmène à Bourges…
La grand'maison de Jacques Cœur à Bourges 
Marchons dans les rues pavées de la ville ancienne, laissons la Cathédrale et sa tour de beurre et … voilà, nous sommes Place Jacques Cœur. Vous connaissez, ce personnage d’origine modeste devenu un des plus grands du royaume au 15ième siècle, argentier du roi Charles VII, habile commerçant visionnaire, ami des Papes.
Ce n’est de l’homme dont je veux vous parler mais de sa « grand’maison », comme il l’avait appelée. L’élégance de son architecture,  la richesse et la variété de ses décorations fait de cet édifice une des premières et des plus somptueuses constructions  d’architecture civile de ce milieu du 15°. Elle met en scène le statut social de son commanditaire, et offre une vision cohérente de sa conception ornementale parce que construite en peu de temps, de 1443 à 1451. Une maîtrise d’œuvre effectuée par des  hommes qui ont travaillé à l’édification du palais de Jean de Berry avec -Colin le Picard- « maître des œuvres du roi » résidant à Bourges, et les charpentes en chênes, en forme de carène de bateau inversée ont été exécutées par Jean de Blois.



La façade de la Grand'Maison de Jacques Coeur
L’immense et longue façade de la maison de Jacques Cœur est conçue d’un haut pavillon d’entrée avec une poterne, une porte charretière, au-dessus un dais avec autrefois la statue équestre de Charles VII. Le dais est surmonté d’une  fenêtre ogivale à quatre lancettes et d’un remplage de pierre dessinant une fleur de lys, ouverture derrière laquelle se situe la chapelle. De chaque côté de ce pavillon d’entrée, deux ailes avec un  rez-de-chaussée presque aveugle, un étage éclairé de fenêtres à meneaux disent aux visiteurs que c’est un palais à la croisée des styles gothique et renaissance. Sous chaque fenêtre, et à la corniche du toit court une frise de pierre, ornés de trèfles au milieu desquels alterne un cœur, une coquille…
Une coquille pour la mémoire de St Jacques, un cœur au nom battant comme était l’homme de ce lieu.
Le décor de cette façade foisonne de sculptures et d’ornementation, tourelle d’escalier, ciselures, rinceaux ouvragés, arcs en accolades aux crochets feuillus… Il faut longer la construction, observer aux intersections des larmiers et des colonnettes des petites têtes sculptées, enfant, femme, clercs, laïcs, et même un africain et un asiatique …


 D’où vient cette connaissance ? Jacques Cœur était un voyageur, il connaissait l’Orient, ses échanges commerciaux lui avait fait approcher à Alexandrie les hommes du Soudan pour les cotons et l’or, les hommes d’Orient pour les soieries et les épices.



Avant d’entrer, jetons un regard vers ce dais aujourd’hui vide, au milieu duquel caracolait Charles VII. De chaque côté deux fausses fenêtres où s’accoudent les bustes sculptés d’un homme et d’une femme regardant au loin, quand on dit qu’à l’origine ils étaient tous deux inversés et tournés vers la statue du roi en signe d’allégeance et de respect. Il s’agit sans doute de Jacques Cœur et de son épouse Macée de Léodepart. 
Jacques Cœur et Macée de Léodepart
Dans le tympan de la poterne, Saint- Michel tient un phylactère sur lequel est inscrite la devise du maître de maison «  A vaillants cœurs, rien d’impossible ».


Entrons dans la cour de la grand’maison berruyère de Jacques Cœur …  C’est un bel espace intérieur fait d’un corps d’habitation ponctué de trois tourelles d’escalier. La tour centrale est d’une conception totalement novatrice pour l’époque, elle sépare les appartements privés des lieux de réception, ouverture aux autres en même temps que préservation de l’intimité.
La pierre de Charly extraite des carrières de Saint-Ursin et Saint-Florent ont la tendreté et la dureté nécessaires pour y sculpter les décors des hauts des portes de forme ogivale qui ceinturent la construction. Voyez cette représentation d’une femme qui fait la vaisselle et de deux hommes affairés aux travaux de cuisine, c’est bien là, l’entrée des communs… Observez encore l’escalier aux trois tympans menant à la chapelle, sur un des côtés un enfant de chœur sonne l’heure de la messe, quand à son opposé 4 personnages semblent en marche vers le tympan central qui lui représente l’intérieur d’une église où l’on voit gravé sur l’autel, le cœur et la coquille.



Toute une symbolique facile à interpréter quand, en ce temps-là, beaucoup ne savent pas lire.
Les impostes sculptées au-dessus des portes de l’ouverture centrale, sont plus ésotériques, elles disent la connaissance, le savoir, les références lointaines du maître de logis…
Le tympan aux trois arbres : un acacia, un oranger, un palmier-dattier… et puis encore des plantes identifiées, l’une aux tiges oblongues et fleurs à cinq pétales : c’est la fleur textile du lin. Et puis une plante aux feuilles fines et fleurs en grappes c’est la guède celle dont on obtient le pastel. Quant à la dernière, située à droite du palmier il s’agit de la garance…Toutes ces représentations viennent du lointain Orient, du Nil ou des proches Flandres. Des arbres, des plantes,  des fleurs qui font la fortune de ce commerçant,  témoignage d’un jardin qui a bâti sa richesse…
Les trois arbres, les plantes, les plumes du tympan
Entrée d'honneur dans la cour intérieure du palais
Mais regardez encore, de chaque côté du pied de la fleur de lin… Deux plumes ! Curieux, n’est-ce pas ? Pourquoi ?
Jacques Cœur est immensément riche, il possède des bateaux, des comptoirs dans toute la Méditerranée, il a des hommes de confiance implantés partout. Comment passer des ordres dans une époque où les communications sont difficiles, dangereuses et lentes ? La réponse se trouve, sans doute,  dans l’utilisation de pigeons voyageurs… Au Royaume de France, on ne connaît pas la science colombophile, mais Jacques Cœur lui en a connaissance. En 1432 il est allé à Damas, et cette ville est réputée pour la maîtrise de cet art !


L’intérieur de la grand-maison de Jacques Cœur à Bourges a malheureusement était transformée voire dénaturée au fil du temps,  parce que utilisé en tribunal puis hôtel de ville. Elle garde encore les marques de sa prestigieuse et novatrice conception, par la volonté créatrice de cet homme qui a connu le raffinement de l’Orient… Il reste la petite étuve qui permettait les soins de la toilette, on chauffait le sol, on jetait de l’eau froide sur les pierres chaudes, de la vapeur s’en dégageait, c’était le hammam avant l’heure. Les couloirs de circulation  à l’intérieur de la maison sont invisibles aux invités, mais ils permettent le service, et le déplacement en toute discrétion, entre les 43 pièces de ce palais,! La salle d’apparat ou des festins avec le balcon des musiciens, l’immense cheminée aux ouvertures prévues pour redistribuer la chaleur.
La salle des Festins et la grande cheminée
Chaque pièce est dotée d’un ou deux foyers. Même l’exposition des fenêtres a été réfléchie, utiliser autant que possible la lumière et la chaleur du soleil. Tout cela personne ne l’avait jamais conçu dans une demeure privée !

Allons dans la salle des galées…
Le vitrail des galées
Cette pièce était à l’origine couverte de vitraux de galées, ou navires marchands, elle constituait la transition avec les espaces publics et privés. Il ne reste rien de son ameublement, seul subsiste un bas-relief représentant avec justesse le monde marin quant à cette époque la mer est encore, pour la plupart, un lieu fantasmagorique celui des monstres et de l’imaginaire.

Du Capitole à la roche tarpéienne, il  n’y a jamais bien loin. Charles VII finit par prendre ombrage d’une trop grande fortune et la rivalité haineuse des nobles à qui Jacques Cœur a tant prêté d’argent causent sa chute. Il est accusé de malversations et même d’assassinat : « Convaincu du crime de lèse majesté pour atteinte à l'honneur du Roi, de concussion et d’exactions », il est passé au supplice de la question, ses biens sont confisqués, il est emprisonné.
Enfermé à la prison de Poitiers, il réussit à s’enfuir, et trouve refuge auprès du pape Nicolas V puis Calixte III. Il reprend force et courage, part en Croisade, il meurt sur l’île de Chio, sans qu’on en sache vraiment les causes.


Pour compléter l’extraordinaire odyssée de cet homme, je vous invite, à faire un détour par Bourges lors de vos déplacements, à lire ou à relire le livre « le Grand Cœur ». Je terminerai par la lecture de quelques phrases de ce roman, dans lequel JF Rufin imagine une méditation de Jacques Cœur:
 « Ce palais était une offrande, que je faisais aux temps futurs, non pas dans l’espoir vain qu’ils se souviendraient de moi, mais pour porter témoignage de la force et du rêve. […] ceux qui continueront de le voir quand j’aurai disparu sauront quelle peut être la force de l’esprit et prendront, je l’espère, leurs chimères au sérieux. Toutes les choses existent en dehors de nous. […] Seul nous appartient ce qui n’existe pas et que nous avons le pouvoir de faire venir au monde »


Sites à consulter 
- Le palais Jacques-Cœur collection Itinéraires – Editions du Patrimoine
http://www.jacques-coeur-bourges.com/visitepalais1.html








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