Bonjour à tous..
Sans doute avez-vous déjà vu ce titre dans les bacs des
librairies « Petites scènes capitales de Sylvie Germain» feuilleté le
livre, pensé à l’acheter et ne l’avez pas fait…
Avant d’aborder le livre, qui est Sylvie Germain ? Née en 1954, elle a fait
des études de philosophie, elle écrit dès 1983. Depuis elle été distinguée par le prix Fémina et en 2005, puis le Goncourt
des Lycéens avec Magnus. En 2013 elle a été élue l'Académie
royale de langue et de littérature françaises de Belgique
Le bandeau de l’éditeur entourant ce livre « Petites
scènes capitales », est illustré d’une femme accrochée aux anneaux de son
trapèze. Elle traverse l’espace avec grâce, légèreté, élégance, suspendue en un
geste aérien, comme est l’écriture de ce roman. Ne serait-ce pas le reflet d’une écriture qui raconte les évènements d’une vie familiale, moments
uniques que l’on découvre « capitaux », métaphore de la traversée de la vie...
Illustration du bandeau du livre |
« Petites scènes capitales », oscille entre heures
douloureuses, difficiles, joyeuses et burlesques, comme les vivent à peu près
toutes les familles..
Dans ce cercle recomposé, Lili- Barbara, petite fille
orpheline de mère, conduit le récit. Elle raconte comment avec ses quatre
nouveaux frères et sœurs, elle, ils trouvent tous cahin-caha l’équilibre pour
se construire ensemble et individuellement…
Je vous propose la lecture d’une tranche de vie, une
rencontre avec Paul le fils aîné :
Pendant tout le dîner Paul se
montre absent et touche à peine aux plats, ce manque d’appétit étonne sa mère.
Elle se penche vers lui, lui touche l’épaule, il sursaute et la regarde d’un
air surpris, ahuri presque. Ses jeunes sœurs s’esclaffent aussitôt :
« Paul est amoureux ». Comme il ne proteste pas, les jumelles et Lili
s’enhardissent : « C’est qui ? Elle est jolie ? C’est une
fille de ton lycée ? Comment elle s’appelle ? ». Cette curiosité
agace les parents, ils n’aiment pas l’indiscrétion. Mais Paul ne se
dérobe pas : « Il ne s’agit pas d’une fille » Sa réponse laisse
tout le monde coi. « Tu es amoureux d’un garçon ? » Il
sourit : « Pas amoureux d’un garçon, bien plus que ça, et pas d’un
garçon, d’un homme » Il n’a pas le temps d’achever sa phrase, sa mère se
lève, d’un bond et ne retient pas sa main. Puis elle retombe sur sa chaise,
stupéfaite autant par son geste que par la nouvelle » Paul reprend d’une
voix calme : « C’est un homme, Il s’appelle Christ ». Lili, n’a
pas été baptisée et s’interroge sur la façon dont Paul a bien pu rencontrer un
homme mort de puis près de mille ans »…
Ce livre, « Petites scènes capitales » de Sylvie
Germain raconte par anecdotes successives, la façon dont se construit une
personnalité, les choix de vie qui se font à la lumière d’évènements vécus que
l’on n’a pas maîtrisés, parfois subis, rarement choisis, et qui ont un impact
sur le devenir de chacun.
Lili - Barbara, regarde la vie avec une sorte de recul
observateur, sans doute lié au fait qu’elle soit discrète et surtout qu’elle ait
commencé la vie par une blessure. Sa mère avant de mourir, d’une façon dont on
ne saura jamais si s’agissait d’un suicide ou d’un accident, l’a laissée aux
soins de son père quand elle avait 11 mois… Dès son enfance, elle connaît le
déchirement, le manque de mère, la mort de sa grand-mère maternelle dernier
témoin d’un pan de sa vie familiale.
De ce livre, émane une émotion poignante, où chacun essaie
de vivre avec ses fractures, ses douleurs et ses forces. Tour à tour, Sylvie
Germain ajuste son regard sur chacun de ses personnages, leur donnant la
dimension acquise aux aspérités de la vie. Ses mots sont toujours bien choisis,
empreints de sensibilité, de délicatesse, de rêverie, et mènent à la
révélation de ce que nous sommes dans le secret de notre vérité. C’est une
réflexion à porter sur soi-même, s’interroger, analyser le sens de sa vie,
dérouler le film de son histoire.
Se dire, se demander, retrouver dans notre mémoire les
moments de bascule, nos petites scènes capitales qui conduisent à faire des choix, remonter la pente de son
histoire intime, et donner la réponse à la personne que nous sommes devenus. Le
livre, moment de grâce, émeut, interpelle et conduit nos interrogations, notre
questionnement intérieur.
Lili-Barbara
comprend enfin pourquoi son père ne voulait pas l’appeler du prénom choisi par
sa mère :
Voici un échange entre Lili et son père… une explication sur
son prénom Barbara… Une lecture tronquée, afin de vous en garder le plaisir de
la découverte. C’est le père qui parle :
« Elle a été prise d’une lubie
en découvrant un poème intitulé « Barbara » dans un recueil de
Jacques Prévert…
« Rappelle-toi Barbara, il
pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là »… Si au moins, elle avait lu Dante
Pétrarque ou Ronsard.
Ce n’était quand même pas sur le choix
de son prénom que sa mère était partie, Lili veut connaître la raison de ce
départ.
–
Ce n’est pas toi, qui
l’a effrayée, c’est l’engagement impliqué par la maternité..
–
Pourquoi as-tu jeté
toutes les photos d’elle ?
–
Mais ce n’est pas moi,
c’est elle. Elle a déchiré toutes celles où elle figurait… Comme si, elle
voulait radier son passé.
La bouche
de Lili est de plomb, elle serre les dents, pour ne pas pleurer ou crier.
Peut-on à
ce point désavouer sa propre vie, abjurer son passé, à ce point nier la réalité…»
Tout dans ce livre, nous touche la magie des mots traduits
dans chaque scène : magnifiques descriptions de la nature, moments heureux ou dramatiques,
mais aussi du mystère des non-dits qui se dévoilent au fur et à mesure du
déroulement de la trame de l’histoire.
On découvre avec quelle subtilité, des phrases que l’on croyait dites sous le coup d’une émotion, annonçaient une vérité que
l’on n’imaginait pas. Des mots qui prennent
sens avec le recul, éclairent un passé caché, et tout à coup éclate au grand
jour, apportant un éclairage libérateur, effaçant les ombres et les silences.
Ce livre aborde, aussi, la douleur de la perte d’un proche. Il décrit
les fractures irréparables du puzzle familial déstabilisé et détruit par le
malheur. Une scène capitale qui forcément conduit à une remise en question fondamentale, à la résilience nécessaire pour continuer son chemin.
Chaque personnage est doté d’une force de représentation qui
tisse la trame du récit… Cette mère
forte et fragile, cabossée par les fulgurances cruelles de la vie, ce père silencieux,
sobre et sensible…
Ces enfants heureux, qui jouent de la vie, comme d’une
comédie, - en découvrent la fragilité quand la mort fait irruption dans leur
quotidien, bouleversant leur regard, et façonnant d’une courbe indélébile leur
avenir…
Paul le fils ainé dont la découverte spirituelle conduit la
vie…
Jeanne-Joy la sage, capable et coupable de se détruire par
provocation, dans la réalité de ses chaos intérieurs.
Les jumelles qui se cherchent par delà leurs arrachements…
Lili à l’exploration, et à la découverte de son équilibre …
Une famille comme tant d’autres marquée par la vie, avec
toujours comme objectif le bonheur, la paix, la sérénité à trouver ou
retrouver…
Sylvie Germain décrit chaque personnage minutieusement, avec
amour autant pour les personnages que pour les éléments vivants, évoque avec
émotion la dernière et solitaire relation du père avec Cosmos le chien, et ce
dernier prend sa place dans cette fresque familiale.
La conclusion se trouve dans les phrases du roman de Sylvie
Germain :
C’est vrai pense Lili Barbara, les
parents discutaient beaucoup, mais entre eux, entre adultes, et peu avec leurs
enfants. On n’entrait pas dans les coulisses des uns des autres, pas même dans
celles de sa propre conscience, ou alors de loin en loin, et sans s’y attarder.
Par peur du noir, de l’inconnu, des labyrinthes, des trappes ouvertes ici et
là. Seul Paul s’est aventuré, résolument, mais il n’avait pas le choix,
puisqu’il avait été saisi poussé, « par une torche de vent, une bouffée de
lumière ».
Elle Lili, il lui a fallu, tant
d’années pour apprendre à vivre en bonne intelligence avec ses lancinantes
incertitudes »…
En dépit des commentaires et lectures
d’extraits partagés avec vous, et portés à votre connaissance, l’histoire n’a
pas été révélée…
Ainsi, pour votre prochaine lecture, pourrez-vous vous
émouvoir de ces petites scènes capitales de Sylvie Germain paru chez Albin
Michel.
A bientôt…
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