Les origines de la Renaissance
Aujourd’hui nous allons nous intéresser aux origines de la
Renaissance…
Quelques villes de France ont marqué l’année 2013 et ce
début 2014 par des expositions sur cette époque florissante.
Nancy l’été dernier avec « L’automne de la
Renaissance », puis Paris avec « Le printemps de la
Renaissance » au Louvre (l’expo se ferme le 6 janvier) et la dernière,
« la Renaissance et le rêve » au Palais du Luxembourg qui se clôture
à la fin de ce mois.
Si l’on vous demandait comme cela : mais c’est quoi la
Renaissance ? Vous diriez l’Italie, Botticelli, Léonard de Vinci… pour la
France, vous pensez François Ier et pour l’Angleterre, l’Espagne et les pays
Bas, que diriez-vous ? Car, il s’agit bien d’un profond changement dans l’Europe
entière, qui a marqué, influencé notre histoire sur plus de deux siècles.
Quelques pistes de réflexion s’ouvrent à notre curiosité.
- D’abord, pourquoi la Renaissance a-t-elle pris son essor
d’abord en Italie avant de se répandre dans toute l’Europe ?
Un grand bouleversement n’arrive jamais d’un claquement de
doigts, il n’y a pas de génération spontanée de l’évènement. A l’origine de ce
grand changement, on peut y voir la fin de l’Empire Byzantin et la prise de
Constantinople par les forces ottomanes. C’était en 1453. Face à cet évènement,
la ville qui abritait de nombreux savants s’exilent en Italie, apportant leurs
savoirs et leurs manuscrits. Byzance portait en elle, les germes du passage de
l’Antiquité à la Renaissance, elle possédait dans ses bibliothèques les écrits
des érudits gréco-romains.
La Renaissance est souvent décrite comme le retour et la
prise en compte des textes anciens. C’est une première piste à explorer…
Il serait faux de dater aussi précisément le début de la
Renaissance en Europe et surtout en Italie dans le milieu du 15ième
siècle. Dès 1260 Niccola Pisano sculpte sur la chaire du baptistère de la
cathédrale de Pise, un marbre qu’on appelle « l’Adoration des
Mages ». Cette réalisation a bien des points communs avec une sculpture de
sarcophage du 2ième siècle après JC, que l’on appelé « Phèdre,
la nourrice et Hyppolite » découvert dans le cimetière du Campo Santo de
Pise. Phèdre et la Vierge se ressemblent de manière troublante tant dans
l’attitude que dans le drapé de la robe…
Quelques deux siècles plus tard, la réflexion est identique
pour les puttis ou angelots des cantorie de Donatello et Della Robbia,
ressemblant aussi à des modèles retrouvés sur des sarcophages du 3ième
siècle….
Cuve de sarcophage Phèdre, la nourrice, et Hippolyte. Marbre
Musée du Vatican inv. 10400 - Vers 180-190 après J.-C.
Pise, Camposanto
Niccola Pisano. L’Adoration
des Mages. 1260. Marbre.
Chaire, baptistère de Pise
La Renaissance, nous évoquions, la prise de Constantinople et
la fermeture entre l’Orient et l’Occident.
Peut-on penser, il n’ait pas fallu chercher de nouvelles routes
commerciales ? Il fallait trouver un nouvel accès aux Indes, et nous voilà
à l’aube des grandes découvertes !
Christophe Colomb et les Caraïbes, Magellan fait le tour de la Terre, eh
oui, elle est ronde !!!
Vasco de Gama, lui trouve des Indes par la voie maritime…
C’est, alors, la découverte de nouveaux marchés, de nouveaux
horizons, de nouvelles richesses… La route du commerce ! La Renaissance se
structure dans une vie économique entre les pays d’Europe, et les continents
connus.
Le Moyen-âge avait déjà mis en place les grandes foires,
l’activité bancaire est déjà en place avec les lettres de change et de crédit
évitant le paiement en espèces… Des grandes foires réunissent l’Italie et les
Flandres et passent par la France et notamment par la Champagne!
Voici un exemple de lien entre le commerce et l’art... Vous
connaissez cette toile de Van Eyck de 1434 aujourd’hui exposée à la National
Gallery de Londres, et qui s’intitule « Les Arnolfini »… Que dit
cette toile, outre ses références à la religion ? Elle raconte que de
riches toscans se sont installés à Bruges, se sont faits portraiturés par Van
Eyck, et qu’ils ont ainsi aidés à diffuser l’art par le moyen de leur mécénat
et de leur fortune. La commande du toscan Giovanni Arnolfini dit les
imbrications existantes entre les pôles picturaux, les fortunes acquises entre
les pays, les hommes et la politique. Ce sont des échanges qui permettent les
innovations, c’est un monde nouveau, une nouvelle manière de penser, une
nouvelle façon de faire circuler les personnes, les biens, d’ouvrir les
réseaux…
Florence, par son dynamisme, ouvre la voie à la diffusion
des idées, des modèles. Les puissantes corporations favorisent les productions
et les importations de parfums, bijoux, blé, de tissus. Ce fameux brocard
florentin, le premier à supplanter les soieries d’Orient, dont l’innovation est
d’introduire les fils de soie dans ses tissus et qui dès les années 1420 inonde
le marché européen. On ne peut évoquer Florence sans faire référence à la
puissance des Médicis, le goût du luxe, du beau, de l’expression de la pensée.
Le talent peut s’affirmer, parce que l’argent est là, parce que le mécénat
commande et favorise la création… Ce n’est pas l’art qui fait la Renaissance,
il en est le témoin et la preuve, il est
la résultante des richesses induites par les innovations techniques,
scientifiques, commerciales. C’est un profond bouleversement, elle signe la fin
du Moyen-âge. Les fortunes acquises ont eu besoin des artistes pour leur propre
mise en scène : en architecture construction et décoration de palais,
sculpture les bustes ou réalisations de somptueux tombeaux, statues équestres…
L’art est aussi instrument au service de la politique, du
capitalisme commercial, et transmet également l’héritage culturel. L’Antiquité,
revenue la place d’honneur fournit les thèmes et les sources d’inspiration. La
révolution de la pensée induite par ce mouvement reste chrétienne, la
redécouverte de l’Antique est liée au surgissement des idées, à la naissance de
l’humanisme, le paganisme n’y prend pas sa place.
De ce propos sur les causes et les effets de la Renaissance,
on peut encore se demander en quoi elle marque l’histoire d’une évolution aussi
radicale ?
C’est « la Révolution de l’Homme », le statut de
l’intellectuel s’exprime dans la culture humaniste. Le Moyen-âge a enseigné aux
élites. A la Renaissance, l’écrit quitte le scriptorium pour le studiolo. On assiste
à la révolution technologique avec l’invention de l’imprimerie de Gutenberg,
mais aussi celle de la « comptabilité en partie double » de Luca
Paccioli initiateur des méthodes actuelles… C’est la diffusion des idées, la
remise en question de l’autorité ecclésiastique, la relecture des textes
originels. Lorenzo Valla, Rabelais... « Le Discours sur la dignité
humaine » de Pic de la Mirandole précise que l’homme est unique, libre,
maître de son destin. Le satirique « Eloge de la folie » d’Erasme avec l’anglais Thomas Moore battent
en brèche les excès, et les abus de la religion, ouvrant ainsi la voie à la
Réforme. Et puis encore Dante, Pétrarque primo-unificateurs de la langue
italienne…
C’est le foisonnement des idées, des arts qui se répandent
dans toute l’Europe. Florence est le lien fondateur, initiateur, innovateur,
berceau des avancées et des changements.
L’exposition Renaissance du Louvre, qui se clôt en ce début
de mois, montre bien que les innovations
ont commencé d’abord par l’architecture, puis la sculpture et enfin la
peinture.
Le traité de Vitruve du 1ier siècle avant JC a
inspiré tous les traités suivants, et Vignole, Brunelleschi, Bramante, Alberti
sont ses enfants… Les perspectives s’ouvrent autant intellectuellement que dans
la réalité concrète des productions picturales…
La Renaissance s’ouvre à la France, les campagnes d’Italie
menées par François 1ier, provoquent un choc culturel, et font
naître les châteaux de la Loire, abriter Léonard de Vinci au Clos Lucé,
aménager la galerie de François 1ier à Fontainebleau, l’escalier
d’Henri II au Louvre … et tant d’autres beautés, sculptures de Jean Goujon, de
Germain Pilon, faïence de Saint Porchère, émailleurs de Limoges, vitraux
d’églises…
Pour illustrer cette réflexion, pourquoi ne pas visiter le
château de Fontainebleau, celui d’Ecouen, ceux aussi de la Loire…
Lire les analyses d’Axel Kahn « L’homme, le libéralisme
et le bien commun » paru chez Stock.
Vous rendre au Louvre découvrir la galerie des peintures
italiennes, voir les toiles du Pérugin, Bellini, Botticelli, voir aussi la
galerie Renaissance de l’aile Richelieu ….
Se demander enfin, pourquoi tant de beaux esprits ont-ils
vécu en même temps, pour s’unir, créer et concevoir le Beau ?
Bonne réflexion, à bientôt….
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