Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

jeudi 26 décembre 2013

Le Romantisme Noir

Le Romantisme Noir de Goya à Max Ernst, « l’Ange du bizarre »
Exposition Musée d’Orsay (5 mars au 9 juin 2013)

Quelle belle exposition !
Les conservateurs, organisateurs, commentateurs peuvent être fiers de leurs travaux, textes et choix jusqu’à celui de l’audio-guide qui complète les panneaux d’affichage placés à l’entrée de chaque salle.
La visite est bien conduite grâce à tous ces éléments, et la découverte progressive explique clairement la notion de « Romantisme Noir ».
(Une seule observation sur la taille des lettres des panneaux d’affichage qui auraient pu être plus gros)…
Tout au long des salles, on découvre les productions majeures de ce courant qui s’étire sur plus d’un siècle, peintures, poésies, sculptures, textes littéraires, extraits de film. Tous les arts assemblés pour converger vers la représentation d’une période, d’un courant d’idées, qui expriment les peurs, les angoisses, les superstitions liées à la culture de cette époque.
Film 1922 de Murnau et Glass - Nosferatu - 

L’entrée dans la salle d’exposition, donne le ton avec cette célèbre phrase de Murnau, dans le film Nosferatu (1922) « Et quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre ».
L’extrait de film, nous plonge dans une ambiance d’angoisse, d’inquiétude sourde, de crainte.
Cette première salle est une mise en exergue de la naissance du Romantisme noir. Elle y exprime, les peurs, les terreurs liées au satanisme et finalement encore marquées par la pression de  l’interdit religieux.



Nous sommes à contre-courant des nativités, et des peintures christiques accompagnées de leurs Saints. On peut y voir, un rejet ou au moins une distance face à la pression religieuse, car ici, on ose représenter « le Pandémonium » (John Martin), la « Folie de Kate » (Füssli), l’anthropophagie avec Goya,  le vampirisme « Dante et Virgile aux enfers » (Bouguereau).




Le suicide d’« Ophélie » d’Auguste Préault sculptant avec tant de délicatesse, le désespoir de celle qui n’épousera pas Hamlet (Shakespeare) et «flotte comme un grand lys » quand les « saules frissonnants pleurent » et que les « nénuphars froissés soupirent » (Rimbaud)
Le suicide d'Ophélie - 1876 - Auguste Préault - Musée Orsay (Paris)
Toutes expressions qui quelques siècles plus tôt vous auraient privé de liberté, ou à la  Renaissance justifié de votre excommunication et au Moyen-âge envoyé sur le bûcher.
Un Romantisme noir,  libérateur de la pensée qui avoue ses fantasmes les plus sombres. Freud n’est pas loin, il naitra en 1856, et participera lui aussi à sa manière à la vie et l’analyse de ce courant.

 « Les Caprices de Goya », le « Radeau de la Méduse » de Géricault, des encres de Victor Hugo, illustrent la mise en place progressive de l’installation du droit à la pensée individuelle et libre. Il révèle le combat douloureux et libératoire d’une époque révolutionnaire abolissant les codes précédents.
Voilà un franchissement, pont entre cette première période du romantisme noir et le Symbolisme si bien représenté par Gustave Moreau « l’Apparition », Baudelaire, Behrens « le Sphinx » (1879), tout comme on le comprend à l’écoute de Bizet, Berlioz, Verdi…
Dans toutes ces créations, c’est la représentation de la femme éternelle, et ses interprétations multiples : fragile, femelle, sorcière, tentatrice, pécheresse, débauchée, objet…
Allons, laissez-moi vous dire, que ce sont les hommes qui représentent ainsi les femmes, véhiculant ainsi leurs propres perversités ! 
Mais aurais-je oublié de vous parler de cette superbe toile de Füssli « Cauchemar » ?
Femme assoupie - 1899 - Bonnard - Musée d'Orsay -(Paris)

Non ! Je voudrais l’associer à celle de Pierre Bonnard « Femme assoupie sur un lit » Ici, le même thème est retranscrit… sur chaque couche, une beauté endormie, ou semblant l’être,  nous rend voyeurs de la nudité et de la sensualité dévoilées. On accède à l’intrusion violente et cachée de la féminité dans la féminité.
Il n’y a qu’un pas pour justifier les photos de Jeandel, mettant en scène et matérialisant l’univers sadomasochiste du Marquis de Sade. Les sièges de Luigi Frullini, « Chaise à décor fantastique » auraient pu tout aussi bien figurer dans le film « Emmanuelle » de Just Jaeckin en 1974 !
Et puisque nous en sommes, aux concordances, je voudrais encore relier les sculptures magnifiques de Jean-Jacques Feuchère « Satan » (1833)  de Behrens le « Sphinx » ( 1879) à la peinture de Swabe « La mort et le fossoyeur »1900… monstres ou femmes ailés qui vous entourent, vous ensorcellent dans un baiser que l’on devine mortel, vertigineuses beautés létales.

J’ai été très sensible aux paysages des peintres allemands, Lessing et son « Cloître sous la neige » exprimant une glaciale réclusion solitaire, Catel « Moines à la chartreuse de San Giacomo » oppositions de lumières : glaciale et de feu, de personnages : moines ou errants fantomatiques, l’ensemble nous laissant dans une expectative angoissée… Blechen « Route de campagne en hiver au clair de lune » magnifique représentation d’une nuit lumineuse, polaire où l’on entend la glace craquer, les branches des arbres sinistrement casser sous le gel, quand rien ne bouge, dans un silence étouffant comme le marbre de la tombe…
Route de campagne - 1829 - Blechen - Musée de Lübeck 
Un ensemble oppressant, silencieux, macabre et pourtant poétique, illustrant parfaitement ce que l’on appelle «le style Romantique » dans l’imagerie populaire.

Des extraits de film, émaillent, illustrent cette promenade artistique. Une époque qui met en scène par le jeu des acteurs,  les angoisses, les désespoirs, la violence, la candeur manipulée…. Frankenstein, Dracula, les trois Lumières, Rébecca … témoignages d’un art débutant, courts extraits qui permettent aussi au spectateur de « souffler » pour s’imprégner mieux encore de cette complexe et sombre période.

Hélas, et pour clore ce panorama, je n’ai pas été touchée par l’expression du « Romantisme noir » dans le Surréalisme. « Demi tasse géante volante avec annexe » de Dali, « Le colloque sentimental » de Magritte, les « sans-titre(s) » de Brassaï ne m’ont pas éclairée sur l’angoisse existentielle des hommes de cette époque.
D’ailleurs, on observait que les nombreux visiteurs, passaient rapidement pour accéder à la sortie de la visite.
Les méandres de Paul Klee ne m’ont pas fait comprendre « Sans titre » ou « Sorcières dans la forêt » même si j’en ai apprécié les lignes ou les couleurs. Le message ne m’est pas apparu.
L’univers sombre de Max Ernst « l’Espérance » (1926) qui aurait pu s’appeler -  Désespérance- sa noire « Forêt » ou «Ils sont restés trop longtemps dans la forêt »(1927) dit l’angoisse d’une époque rongée par la guerre, les difficultés économiques, la dureté de la vie, les conflits de ce début de XXème siècle…
Oui, mais… je ne me suis pas sentie impliquée par le mode d’expression employé, ni affectivement ni intellectuellement par les toiles présentées.

Enfin, pour compléter totalement cette thématique, peut-être aurait-il fallu envisager une salle supplémentaire pour écouter quelques extraits musicaux… Pleurer d’émotion au chant de Marguerite dans le Faust de Berlioz, ou ressentir la profonde douleur du chœur des Exilés dans le Macbeth de Verdi… Toute une atmosphère musicale qui aurait couronné ce superbe parcours, en illustrant des personnages que l’on retrouvait dans les salles de l’exposition.

Je ne vous ai pas parlé de Munch, lui qui dit si bien ses folles angoisses, Ranson, Böcklin et tant d’autres que j’ai aimés….
Rien ne vous éclairera plus que votre propre visite dans la vision de votre subjectivité et sensibilité…



















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