Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

jeudi 26 décembre 2013

Amour de Haneke

Amour de Haneke 

Les écrits existent parfois, pour essayer de formuler les émotions les plus intimes, souvent  plus ressenties qu’exprimées …Dire des émotions, des impressions, n’y a-t-il rien de plus difficile à verbaliser ?

Amour, entre J.L Trintignant et E. Riva, parle de la vieillesse et de la maladie… Le tout dans un huis-clos étouffant éprouvant et oppressant.

Lui, et elle, sont des gens de la bourgeoisie aisée, vivent dans un bel appartement en plein Paris. Pourtant, l’appartement en lui-même, est aussi  à l’image de ses propriétaires, il révèle l’usure du temps…
L’entourage des fenêtres de la cuisine, qui aurait besoin d’être repeint, car il s’écaille et n’est plus très net. La tapisserie de la chambre tachée par endroits d’auréoles plus sombres, le fauteuil usé du salon. Des pièces qui vivent mais que l’on ne restaure plus, sans doute parce que l’on est trop vieux et que ce serait trop fatigant, même de le faire faire !

Le salon par sa décoration dit chez qui nous sommes… Un piano immense, car elle a été professeur de piano, des livres, des C.D,  de beaux tapis, un parquet de chêne, des tableaux au mur, jusque dans la cuisine ! Tout vous dit, le niveau de culture, de finesse d’ouverture et de curiosité d’esprit… Et puis cette salle à manger, qui ne sert plus, qui ne vit plus parce qu’on n’y reçoit plus… L’ordre  - trop -  impeccable de cette pièce dit : la solitude, le silence, la fin des réceptions, la fin d’un art de vivre, la fin des dîners entre amis quand on était encore jeunes.
L’appartement, comme les gens qui l’habitent, se meurt !
Non, je ne vous dirai pas tout, mais les choses, les objets, les meubles témoignent de la fin…

Tous les deux, sont de bonne éducation, ils s’expriment dans un langage de haute qualité, ont à l’égard l’un de l’autre, de la considération, du respect. Ils se sont aimés et s’aiment encore, leur amour est installé dans le partage de leur vie, adéquation entre communication et délicatesse pour l’autre. Ils expriment l’un pour l’autre, la tendresse, la considération dans un échange d’attentions, de regards qu’ils se portent en permanence, compagnons intimes d’une traversée de vie.

Et, le malheur frappe à la porte, comme il le fait à toutes les portes des maisons, et encore plus certainement lorsqu’on l’on est devenus vieux.
Elle, Anne, a une « absence » qui se transforme en hémiplégie.
On la voit revenir à la maison et pour la première fois en fauteuil roulant… Il faut l’aider, pour tout ! Lui, Georges est un peu gauche, et ne sait pas encore comment s’y prendre. Elle le lui explique… et ils se retrouvent dans les bras l’un de l’autre, unis, serrés, soudés et pourtant … si douloureusement ! Ce n’est plus la fête de l’Amour, non, c’est la trahison d’un corps, le dernier corps à corps misérable et désespéré pour aider l’autre à se coucher, à manger, à couper la viande… Moment trivial et honteux de la sortie des toilettes, remonter une culotte qui n’est plus de dentelles…
Fin de la séduction, fin de la beauté pour subir et faire subir à celui qu’on a aimé sa terrible déchéance.
Et pourtant, ils se parlent encore, et vont au-delà de ces moments douloureux, déprimants, misérables, humiliants pour l’un comme pour l’autre.
Est-ce cela l’Amour, savoir aller au-delà des douleurs et de la déchéance pour accepter et porter la décrépitude de l’autre, dans une sobre et silencieuse dignité ? Oui, c’est, aussi,  cela l’Amour, quand il est vécu jusqu’au bout…
Jusqu’au bout… de la souffrance et de la déchéance, du mépris,  du dégoût et du rejet de soi…

Anne refait une nouvelle attaque et perd la parole, mais hélas pour elle, garde la conscience et comprend son état !
Alors, elle ne veut plus vivre, râle, n’est plus comprise et tous deux sont désespérés…
Dans ce film, les gens vivent, agissent, communiquent ou essaient de le faire et jamais on ne voit fleurir un sourire sur les lèvres… Les regards sont tristes, silencieux, intériorisés, anxieux.
La caméra filme, au plus près, cette descente aux abîmes, aux enfers. Elle ne fait cadeau de rien, les rides, le pas qui traîne, les habits qui se souillent, j’ai même pensé qu’il ne manquait que l’odeur !
Dans un dernier sursaut de vie et de fierté Anne, refuse de boire et de manger pour mourir… Elle crache au visage de son mari,  l’eau qu’il lui donne pour l’hydrater … c’est pour elle le dernier cri de douleur et de souffrance et lui excédé, fatigué, exténué, la gifle…
Le silence qui suit la gifle, est terrifiant, ils mesurent tous les deux, la déliquescence, la détérioration de leur impossibilité à communiquer, et la terrible avancée de la déchéance.
Nous voilà, nous spectateurs de ce huis clos étouffant, dans l’empathie complète avec les deux protagonistes, car sont-ils encore un homme et une femme qui se sont aimés ? Il est devenu un vieillard courageux qui soigne une vieille dame malade, consciente de sa déchéance. Elle ne veut pas être ce qu’elle est devenue, la seule sortie honorable est choisir de mourir …
Tout devient triste, lourd, dur et invivable…
Elle ne parle plus, elle crie, râle, et lui s’essouffle…
Ils meurent leur vie d’avant, l’espérance s’est éteinte, l’horreur s’est installée.
Dans ce huis clos indigne et ignominieux,  nous sommes, nous spectateurs, écrasés comme Anne et Georges par leur extrême désarroi...
Nous voilà confrontés à ce questionnement sur la fin de vie active, film dont l’histoire est un plaidoyer silencieux.

Le générique de fin défile, sans musique… dans la salle, pas un souffle, le silence de mort nous écrase tous… personne ne se lève,  nous sommes renvoyés à nous-mêmes, à notre propre mort et à l’angoisse de cette lente désagrégation de nous-mêmes…
Nous  finissons par nous lever, sans un mot, c’est tout juste si l’on ose croiser le regard de son voisin.




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