L’Automne de la Renaissance d’Arcimboldo à Caravage
Nancy Musée des Beaux-Arts du 4 Mai au 4 Août 2013
Neptune - Place Stanislas à Nancy |
La région Lorraine est actuellement au cœur de l’activité
artistique. Toul, Metz, Bar-le-Duc, Epinal,
Nancy et d’autres communes plus petites se sont investies dans le projet
Renaissance. Avec plus de 200 manifestations réparties dans la toute région, les villes offrent aux visiteurs
curieux un parcours à découvrir, pour s’enrichir, s’émerveiller et se réjouir.
Parmi toutes les expositions proposées, le musée des Beaux
Arts de Nancy nous invite à voir les trésors qu’elle a rassemblés pour cette
saison. Après l’année « l’Ecole de Nancy » (1999) et celle du « Temps
des Lumières » (2005), la ville s’inscrit une nouvelle fois dans une
volonté de culture, d’ouverture, de curiosités, de découvertes dans les musées
de la ville, et ses alentours.
L’effet Renaissance est Effervescence ! Expositions,
fêtes et animations, conférences et colloques réunissent les curieux. Il y en a
pour tous, à toutes les heures, et chaque jour…
Le musée des Beaux-Arts de la place Stanislas accueille, une
belle part de la Renaissance picturale ainsi que les objets d’art du métal et
du feu de cette époque.
L'Automne - Arcimboldo - 1573 Louvre |
Pourquoi l’Automne de la Renaissance ?
La Renaissance est un concept large qui s’étend selon les
pays d’Europe du 15ième au 17ième siècle. Elle est la
révélation d’un homme moderne qui naît, se libère dans une idée prospective et humaniste
du monde. Ainsi, cette exposition nancéienne, nous fait approcher les œuvres
tardives, donc automnales, situées dans
la seconde moitié du 16ième siècle, voire début 17ième.
Des œuvres qui sont des citations de celles du passé, hommages
rendus aux plus grands (Raphaël Michel-Ange, L de Vinci,), et deviennent la
marque d’un art qui avance, qui réfléchit et s’inspire de la richesse
patrimoniale, dans une interprétation nouvelle et originale.
Le rez-de-chaussée et le premier étage du musée conduisent
dans une succession de salles qui vous place en terrain de re-connaissance…
Le lièvre d'Hoffman 1591 - Rome Galleria d'Arte Antica |
- Tiens « le
lièvre » de Dürer, pense-t-on et on découvre qu’il s’agit de celui
d’Hoffmann, ou encore « Léda et le
cygne » de Nicolas Béatrizet, et c’est L.d.Vinci qui fait référence ou
encore « le Jugement dernier »
non bien sûr, il ne peut s’agir de la fresque de la chapelle Sixtine, mais d’une
toile de Robert le Voyer. Les musculatures des modèles de Goltzius « L’Hercule Farnèse » « Phaëton », nous rappellent encore
que Michel-Ange avait une prédilection pour ces morphologies puissantes et
musculeuses, mais ici les anatomies sont sur-développées et les postures en
torsion difficiles à tenir.
Citations du passé, reprises qui disent l’empreinte d’un art
reconnu, témoignages d’une grandeur qui ne peut pas être oubliée.
La visite, nous conduit dans la réactivation permanente de
nos références artistiques… S’approcher d’une huile sur bois, dont on ne peut
nommer l’artiste : « Peintre français ou flamand actif à Paris vers
1570-1580 » dit le petit carton placé à gauche de la toile, et pourtant
vous avez été attiré par cette « Allégorie
mythologique » vous avez reconnu Vénus dont la finesse des doigts de la
main vous renvoie à la « Gabrielle d’Estrées » de l’Ecole de
Fontainebleau, ou pourquoi encore, dans la même toile les petits satyres
évoquent-ils les chérubins de Raphaël de la « Madone Sixtine » ?
Et cherchez dans votre mémoire si les trois Grâces, dansant, ne pourraient être
celles de Germain Pilon ?....
Quelques toiles du Primatice rappellent fort à propos que
c’est dans l’art bellifontain que la France a pris sa place dans la Renaissance
artistique.
L’attention du visiteur est attirée par un espace de
portraits d’hommes. « Deux hommes
riant » hilares et complices de Hans Von Aachen, timidité du regard d’un « Autoportrait » de Jérôme Francken,
« flûtiste » de Jacob
Bunel, « Portrait de Goltzius »
de Ketel « Portrait d’homme »
du Gréco… Chaque toile rend la vérité
d’un frisottis ou d’un duvet de barbe, la douceur ou l’épaisseur des cheveux,
le rosé d’une pommette, la profondeur et l’intériorité d’une personnalité, la
sévérité d’une autre. Le hiératique « Portrait
d’homme » du Gréco est à lui seul une merveille de finesse et de
réalisme, rendue par l’expression mélancolique du regard, les mains longues
fines et soignées sortant tout comme le visage des méandres d’un délicat voile
de baptiste blanc. C’est une toile d’un brun très sombre, illuminée par ces éléments
d’une beauté et d’une sensibilité émouvantes !
Réunion de femmes: Jacques Bellange - 1575 |
Il serait injuste d’oublier les lorrains de l’exposition,
les dessins à la plume de Jacques Bellange « Réunion
de femmes » ou « Annonciation »
des tracés d’une grande finesse stylisant en quelques traits une ligne, une
silhouette, un froissé de tissu.
Jacques Callot, le nancéien exprime dans ses estampes à l’eau forte, toute la richesse et la fine observation d’un monde allégorique ou réel par de grands dessins réalisés méticuleusement, aussi précis que des miniatures. « Teatro fatto in Firenze » ne contient pas moins de 400 personnages, et « la foire d’Impruneta » 1100 .. Prouesse de la gravure !
La « Conversion
de Saint Paul » de Denys Calvaert est à rapprocher de celle du
Caravage. La force de l’évènement s’exprime dans la composition oblique qui fait
jaillir le modèle de la toile, les couleurs stridentes, les reflets des
épaulettes de métal crèvent la toile dans un jeu d’ombres et de lumières. L’art
baroque, tant prisé par Le Caravage, est à venir …
Ainsi, vous découvrirez une centaine de toiles, et votre
émerveillement trouvera son apogée dans la salle qui regroupe les objets d’art
décoratifs de cette époque Renaissance.
« Le cabinet
d’ébène » des ateliers d’Augsbourg aux incrustations de pierres
peintes, nous dit toute la richesse et la préciosité d’un art du 17ième
siècle faisant la place aux menuisiers, ébénistes, orfèvres, ciseleurs,
bronziers, artisans-artistes capables de
s’associer pour créer un meuble au décor somptueux.
Que dire encore, du « Char de Gambrinus » des
mêmes ateliers, semblant sortir tout droit d’un sapin de Noël pour réjouir les
désirs capricieux d’un enfant choyé !
Le « plateau de
table avec vases, trophée et oiseaux » (1600) des ateliers grand-ducaux de Florence nous
conforte dans la maîtrise de l’art lapidaire, d’une esthétique délicate et
sophistiquée, mère d’une époque nouvelle.
Voyez encore, cette superbe « Vénus debout s’essuyant » de Jean de Bologne (Giambologna), statuette en bois de poirier, élégante, délicate, féminine, sensuelle, femme, tout en mouvement. Elle est vivante, tendez-lui, un voile pour cacher sa nudité, elle s’en couvrira gracieusement ! Une beauté, comme Jean de Bologne la voit et la représente souvent.
Et puis vous verrez encore, une salière de François Briot,
la « coupe de la Prudence »
de Hans Petzolt qui associe pierres précieuses, argent doré ciselé et
coquillages, ou encore ces « porte-verres »
de Frankenthal qui semblent être des chandeliers…et puis encore, « une aiguière et le bassin à se laver
les mains » des récipients aux formes étranges, des marqueteries en
pierres dures…
L’exposition est à découvrir, et son intitulé « d’Arcimboldo
(1527-1593) au Caravage (1571-1610) »
établit un jalon dans la période à découvrir. Certaines œuvres présentées sont
antérieures à la date de 1527 mais forme un repère pour le visiteur néophyte.
Arcimboldo dont l’unique toile présentée dans cette
exposition, est choisie judicieusement puisqu’elle illustre cet automne de la
Renaissance. « L’Automne » dont la palette de couleurs du jaune au
rouge nous montre une accumulation de fruits de la saison…Le Bacchus tient dans
la profusion de sa récolte, les
promesses d’une Renaissance généreuse.
Quant au Caravage, il ferme et clôt une époque en, en
ouvrant une autre, nourrie et enrichie d’un passé glorieux et fructueux ….
Pour découvrir, là aussi l’unique Caravage de l’exposition,
il faut traverser le musée, oublier l’immense Rubens qui est là aussi pour vos
yeux, s’étonner d’un Pierre de Cortone dont la toile « la Sybille de Tibur » semble vous
renvoyer aux dansantes femmes d’un Gréco maniériste, ou vous préparer à un
cubisme avant-gardiste…
Annonciation - Caravage- 1608 - Musée des B.A de Nancy |
« L’Annonciation »
du Caravage vous attend dans la dernière salle, impose par sa taille tout
l’angle de la pièce… Est-ce encore un art maniériste ? Douceur et humilité
d’une Vierge choisie sans son consentement, domination de l’ange Gabriel
écrasant Marie dans un tournoiement d’étoffes lumineuses et aveuglantes…
Une œuvre marquant la fin de cette prestigieuse période, message révolutionnaire d’une autre époque, d’un autre temps, d’une autre conception artistique, d’une avancée de l’Histoire, d’un futur pictural dense et libérateur.
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