Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

jeudi 26 décembre 2013

Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta

Hannah ARENDT - Film de Margarethe Von Trotta



Hannah Arendt est interprétée par Barbara Sukowa. 
Les acteurs  qui gravitent autour de Barbara Sukowa dont Axel Milberg (son époux) Janet McTeer (son amie) Julia Jentsch (sa secrétaire) représentent le cercle dans lequel H.Arendt évoluait. Leur rôle étoffe l’histoire mais ne change en rien l’expression de la pensée, les actes, les écrits et les prises de position de celle-ci.

Le film commence, quand Adolf Eichmann est enlevé en mai 1960 par le Mossad, pour le transférer et le faire juger par l’état d’Israël.  C’est l’histoire vraie du procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem, en corrélation avec les comptes-rendus qu’Hannah Arendt a rédigés à l’issue du procès.

Hannah Arendt, philosophe, écrivain, journaliste, juive d’origine allemande vivant aux Etats-Unis (naturalisée américaine), demande en tant que journaliste à se rendre à Jérusalem pour couvrir le procès Eichmann. Elle assistera à son ouverture en mai 1961 mais ne restera pas en Israël pendant toute la durée de l’évènement. Revenue aux Etats-Unis,  elle suivra tous les débats par la lecture complète des interrogatoires et témoignages consignés dans un mémoire de presque 4000 pages. C’est de l’analyse intellectuelle et philosophique de ce procès que naîtra sa théorie sur la « banalité du mal ».

Le procès d’Adolf Eichmann est un évènement majeur pour les Juifs. Il leur permet de faire reconnaître leurs souffrances, de les médiatiser, et de les exorciser. Par le témoignage des horreurs subies, l’expression des émotions, des douleurs, des traumatismes, ils tentent d’évacuer les abominations commises à leur égard.
En jugeant Adolf Eichmann, le peuple juif juge l’Histoire du IIIe Reich, s’explique auprès des siens et des plus jeunes qui s’insurgent contre une apparente soumission, se reconstruit, venge une humiliation, un écrasement, une haine, les spoliations dont il a été l’objet…
Objets véritables, hommes, femmes, enfants méprisés, bafoués, humiliés, assassinés, défaits de toute valeur humaine. Il fallait à ce peuple, un procès spectacle ! Un  procès pour ces 6 millions d’êtres anéantis, devenus accusateurs silencieux d’un crime organisé.
Un procès qui devait être un chemin de résilience collective.

Pour mémoire, Adolf Eichmann, est dès 1935 affecté au bureau des Affaires Juives, en 1939 il prend la tête du Service central de l’émigration. La « question juive » par les nazis a commencé par la volonté d’une « émigration forcée » puis par une «solution territoriale » et par la décision de l’élimination physique d’un peuple entier appelé : «solution finale ».
C’est à cet effet, qu’en 1942 Adolf Eichmann se rend dans de nombreux pays d’Europe (France, Italie, Slovaquie, Danemark, Pays-Bas, Belgique) pour la mise en place des déportations et le but avéré d’organiser la « solution finale ».

Hannah Arendt montre l’implication de l’Europe qui a laissé un pouvoir totalitaire mettre en place un crime de masse. Un certain nombre de pays européens n’est pas vierge de toute aide active ou silencieuse au service de l’idéologie nazie : La France et ses camps d’internement, solution transitoire avant la déportation, L’Italie mussolinienne, la Suisse jouant le rôle de Ponce Pilate, la Pologne qui recense sa population juive, la Russie, Le Danemark, jusqu’au Vatican et la Croix Rouge qui couvrent la fuite des chefs nazis en fournissant faux-papiers et filière pour échapper aux recherches et poursuites en vue de procès (dont celui de  Nuremberg 1945- 1946).
Mais Hannah Arendt va encore plus loin. Elle met en cause les responsables des organisations juives. Elle ne les accuse pas de collaboration mais de coopération avec les nazis,  soit par le fait que les Conseils Juifs aient pu dénombrer leur population voire même d’organiser leur déportation. Cette grave accusation va soulever une terrible polémique qui agite encore aujourd’hui. L’accusation est reçue comme infamante par le peuple et les Conseils juifs. Elle en perdra des amis très chers qui ne lui pardonneront pas cet outrage.
H.Arendt dit précisément ces mots : « Pour un Juif, cette participation des responsables juifs à l’extermination de leur propre peuple est, sans doute, le plus sombre chapitre de cette sombre histoire »

Le film retrace la prise de position d’Hannah Arendt, l’hostilité, la haine et l’incompréhension qu’elle a soulevées contre elle après avoir émis sa théorie du mal, dans le magazine du New-Yorker  sous le titre « Eichman à Jérusalem ». Pour elle, c’est un « petit », un exécutant, un être falot. Elle montre comment elle arrive à ces conclusions, explique son propre cheminement intellectuel, sa pensée, le jugement qu’elle porte sur Eichmann, la hauteur, la distance qu’elle a pris face aux tumultes de l’histoire.
C’est sa théorie de la « banalité du mal » expliquant qu’il est commis par des êtres qui n’ont ni motifs ni conscience. Elle pense qu’Eichmann a mis en place une stratégie de liquidation d’un peuple, dans un vide moral absolu. Il est pour elle, la définition de la bêtise au service du crime, une preuve de  l’absence de courage civique, la démonstration de l’incapacité d’une pensée autonome, la certitude de l’absurdité.
Pour elle, Eichmann n’est ni fanatique, ni endoctriné, mais un médiocre, une cruelle cheville ouvrière sans conscience. Hannah Arendt ne défend pas Eichmann, elle le méprise, le considère comme un être indigne et vil, incapable d’une pensée autonome, ne sachant pas distinguer en être pensant le Bien du Mal, le Beau du Laid.
L’analyse d’H.Arendt a suscité tant de polémiques qu’elle a même été accusée d’être favorable à l’idéologie nazie. Mais, cette philosophe qui a échappé à l’extermination, a dépassé par sa réflexion l’horreur des crimes. Elle s’est élevée dans une pensée abstraite. On peut imaginer à sa décharge une jubilation intellectuelle de l’écriture, le maniement des concepts qui lui font gommer des faits existants. Le peuple Juif, lui,  ne pouvait oublier de telles abjections pour avoir vécu les horreurs de la guerre et du génocide dans une réalité concrète.

Faut-il réduire Adolf Eichmann au jugement d’Hannah Arendt ?
Faut-il en faire simplement un fonctionnaire zélé, sans conscience ? Lui qui :
-          organise l’expulsion de 50 000 Juifs en Autriche, puis à Prague
-          supervise la mise en œuvre des mesures discriminatoires (étoile jaune)
-          organise les déportations
-          transforme et aménage le camp de Terezin  (République Tchèque) en camp de la mort
-          visite et inspecte Treblinka, Auschwitz…
-          décide d’une « dernière marche vers la mort » à Auschwitz alors qu’Himmler a ordonné l’arrêt des exterminations (octobre 1944)
Eichmann n’était-il qu’un simple exécutant sans âme ? Cela ne correspond pas, pourtant à son ascension professionnelle.  Lui, le sans diplôme, passe dans la SS de 1933 à 1941 du grade de caporal à celui de lieutenant colonel.

 « Arbeit macht frei », le travail rend libre,  douloureuse maxime inscrite aux entrées des camps de concentration !
Ne serait-il pas plus fort d’affirmer avec Hannah Arendt pour rassembler nos idées, nos disparités, nos difficiles confrontations : Encore plus que le travail 
La pensée rend libre.




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