Exposition Georges Braque au Grand Palais à Paris
Peut-être êtes-vous allés voir l’exposition Georges Braque
au Grand Palais à Paris… si tel est le
cas, je voudrais partager avec vous, quelques unes de mes observations et si
vous n’y êtes pas allés ou pas encore, alors ensemble découvrons quelques
œuvres, des différentes périodes de cet artiste.
L’exposition commencée en septembre se clôturera le 6
Janvier 2014. Cette rétrospective rassemble 238 toiles et raconte la vie de cet
homme par le biais de son œuvre, inhérente à l’évolution de sa pensée, de ses
expériences, ses émotions, ses rencontres, ses influences..
Elle retrace le parcours plastique et esthétique d’une vie,
faite de recherches productives qui se débarrassent de l’Académisme sans heurts
et sans provocation, mais dont on perçoit qu’elles sont le fruit d’une
maturation et d’une progression intérieures, dans l’expression d’une
personnalité calme et discrète.
Entrons… Vous voilà accueillis par Braque lui-même, une
photo de taille réelle vous le montre, là vivant, peignant au cœur de son
atelier. La paix et la sérénité marquent le visage intelligent de cet homme
mince aux cheveux blancs… le pinceau à la main, le geste suspendu au-dessus de
la palette, cherchant la couleur qui traduira au plus juste sa pensée, enfermé
dans son art avec pourtant la volonté de porter un message et même de le faire
avancer ….
" A L'Estaque" 1906 - collection Merzbacher |
La touche est ferme, la ligne nette, des rouges, des feux,
des oranges, des jaunes des crèmes, des verts crus ou sombres, des petites
touches, des lignes qui s’enroulent en spirales en courbes et contre- courbes
des couleurs qui éclatent, éclairent, illuminent les toiles. Une interprétation
libre du regard un ciel parme, un tronc mauve, un chemin rouge des couleurs qui
pourraient exister dans le réel si elles n’étaient pas forcées et qui tout à
coup donnent à la toile un relief que la nature ne lui aurait pas donnée.
Un Braque FAUVE, frère de Matisse quand il peint « le nu assis » de
face ou de dos. Il semblerait que Braque ait emprunté la palette de Matisse
pour le vert et ses accords de couleurs froides si particuliers et si chers à
ce dernier. Elle serait la suite de « la dame au chapeau vert » le
soir, seule à sa toilette, quand elle a ôté son chapeau !
L’exposition se parcourt selon la chronologie de la vie de
Braque. Braque rencontre Picasso au Bateau-lavoir et c’est le début d’une
amitié en même temps qu’une recherche associée sur l’expression graphique,
structurée, déstructurée, recomposée dans un mouvement qui sera appelée le
cubisme.
Il s’agit d’un mouvement qui va au-delà de la
représentation, il a la volonté d’apporter une intellectualisation du sujet,
une réflexion personnelle. Cubisme analytique puis synthétique qui emmènent
jusqu’en 1914. C’est un peu comme si, on rendait le sujet de la toile non
immédiatement perceptible, pour en faire la recherche visuelle, reconnaître le
sujet, et découvrir le trésor qui s’y cache. Un jeu intellectuel, une démarche
personnelle laissant place à l’imaginaire et à la réflexion.
Dans cette salle dédiée au premiers pas du cubisme tout est
reconnaissable, visages, personnages, lieux ponts, maisons. Pourtant, il faut
observer la distanciation avec les couleurs et le réel. « Les arbres de
L’Estaque » version cubiste d’arbres reconnaissables au premier plan représentés
sur un fond qui tient du chaos paysagé et organisé laissant juste deviner le
sentier par les silhouettes noires et simplissimes des cyprès qui bordent le
chemin … et Braque continue à perfectionner sa découverte. Son jeu s’affine, se
peaufine, se fortifie et s’affirme… les lignes et formes géométriques se
resserrent, s’imbriquent, se nouent en des couleurs qui reviennent sans
cesse : camaïeux de gris, de beige, d’ocre… Des couleurs sourdes, nouveau
langage visuel choisi volontairement pour
l’abandon du réel et atteindre une essence intellectuelle, obligeant le
profane à s’interroger.
Picasso et Braque forment comme ils le disent « une
cordée de montagne » dans laquelle pourtant, ils laissent des repères
réalistes nous permettant de les approcher dans leur démarche abstraite et
plastique.
Femme à la mandoline - 1910 - Musée de Munich |
« La femme à la mandoline » de 1910 prêtée par le
musée de Munich touche l’émotion, mon émotion… Au centre de la toile dans un
médaillon ovale, une femme tient une mandoline entre ses mains, dans un enchevêtrement
de lignes et de rectangles aux couleurs d’ocre, de reflets dorés et de bleu
lavé. Telle une icône moderne, hiératique, sobre, droite, les yeux baissés elle
se concentre dans une intériorité qui la conduit et la guide … soyez attentifs elle
interprète émue et émouvante une « Gymnopédie » d’Eric Satie, un ami
de Braque…
« Les toits de Céret » de 1911, un fond de gris,
des lignes trapèzes rectangles triangles tachetés de plus sombre de plus clairs
de blancs… Mais, les toits où sont-ils ? et tout à coup vous les
découvrez surgissant de formes triangulaires marqués d’ocre, de brun et de
cuivre…
Parler de Braque sans évoquer son rapport à la musique, aux
natures mortes, aux objets serait oublier la part sensible et picturale de cet
homme. « Nature morte au violon » ou encore «Broc et
violon » dans les camaïeux de couleurs qu’il affectionne : un violon
repose dans une pièce qu’on reconnait à peine, des piliers, une lampe peut-être
… tout est cassé brisé, comme si un tremblement de terre avait tout rompu, et
où les morceaux brisés se seraient repositionnés d’eux-mêmes laissant encore à penser
que l’on pourrait retrouver la forme originelle et l’assembler à nouveau …
Les papiers collés vont emmener Braque au cubisme
synthétique. C’est un travail de maturation, avancées et libertés qui
conduiront à l’expression d’autres mouvements artistiques conduits par
Kandinsky pour l’abstraction lyrique, Mondrian pour le néo-plasticisme et en
Allemagne le mouvement Bauhaus…
Braque s’est éloigné de Picasso après la guerre, fait
d’autres rencontres, collabore aux ballets russes et multiplie les compositions
picturales d’inspiration musicale. Ses constantes de représentation restent la
musique, les personnages, les fruits,
les compotiers, combinés, composés, recomposés, décomposés, structurés,
déstructurés, mais toujours réinventés.
Le peintre pense en formes et en couleurs et Braque déclare
« J’aime la règle qui corrige l’émotion », phrase ô combien
révélatrice de sa discrétion et du fait avéré que Picasso ait toujours pris la
première place dans l’expression d’un tempérament typiquement ibérique.
Vers 1922, Braque peint des Canéphores, entendez des femmes
évoquant l’Antiquité grecque. Il fera renaître la couleur, comme si, il avait à
nouveau besoin de contact avec le concret, une sorte de retour aux origines, les
retrouvailles avec un « moi » qu’il ne faut pas perdre. Et puis, les sculptures de chevaux, de visages vous disent encore sa force de création, sa fascination pour le minéral et l’art étrusque.
La peinture de Varangéville sur mer, dans les années 50-60 révèle
un homme qui s’interroge sur l’essentiel quand on a tout compris, tout
traversé, vécu sa vie. Il exprime dans ses longues représentations
rectangulaires, l’essentiel de ce qui est reste l’eau, le ciel, les objets, quand
tout a disparu, quand l’homme n’est plus…
Le message reste fidèle au personnage que l’on devine, discret, silencieux, sensible, intelligent, réservé, vif, curieux, observateur, analyste juste et précis. Les « grands oiseaux » de 1960 s’envolant vers le ciel, s’élèvent pour un ailleurs dans un adieu que Braque réserve à ses admirateurs.
Qu’est-ce qui pousse un peintre à s’aventurer dans de telles
recherches ? Dans la démarche de Braque, il y a semble-t-il le désir d’intellectualiser
le concret pour réinterpréter une réalité, lui donner un nouvel angle de vision
plus intellectuel, créer une abstraction qui prend pied dans le réel. « L’Art
est fait pour troubler et la science pour rassurer » écrivait-il… pas de
doute, son œuvre a rempli sa mission.
Le message reste fidèle au personnage que l’on devine, discret, silencieux, sensible, intelligent, réservé, vif, curieux, observateur, analyste juste et précis. Les « grands oiseaux » de 1960 s’envolant vers le ciel, s’élèvent pour un ailleurs dans un adieu que Braque réserve à ses admirateurs.
Les Oiseaux- Musée du Louvre- Sully - Salle Henri II |
Le « G » de la signature de Georges Braque ressemble à la serpe du faucheur, celle qui
coupe, ramasse, et assemble en gerbe les épis de la vie, découvertes, observations
et expériences et nourrit chacun d’une nouvelle pensée, et d’un regard neuf.
Au travers de cette visite de quelques heures, je reste admirative pour la commissaire d’exposition Brigitte Léal. Elle a réussi la prouesse de nous faire approcher cet homme dans un parcours esthétique, et, nous a laissé un instant croire que nous avions connu, apprécié et compris Georges Braque.
Au travers de cette visite de quelques heures, je reste admirative pour la commissaire d’exposition Brigitte Léal. Elle a réussi la prouesse de nous faire approcher cet homme dans un parcours esthétique, et, nous a laissé un instant croire que nous avions connu, apprécié et compris Georges Braque.
Je vous souhaite une belle visite au Grand
Palais à Paris, et surtout, surtout, n’oubliez pas : avant le 6 Janvier.
Au revoir, à bientôt..
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