Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

mercredi 25 décembre 2013

Georges Braque au Grand Palais (Paris)

Exposition Georges Braque au Grand Palais à Paris
Peut-être êtes-vous allés voir l’exposition Georges Braque au Grand Palais à Paris…  si tel est le cas, je voudrais partager avec vous, quelques unes de mes observations et si vous n’y êtes pas allés ou pas encore, alors ensemble découvrons quelques œuvres, des différentes périodes de cet artiste.
L’exposition commencée en septembre se clôturera le 6 Janvier 2014. Cette rétrospective rassemble 238 toiles et raconte la vie de cet homme par le biais de son œuvre, inhérente à l’évolution de sa pensée, de ses expériences, ses émotions, ses rencontres, ses influences..
Elle retrace le parcours plastique et esthétique d’une vie, faite de recherches productives qui se débarrassent de l’Académisme sans heurts et sans provocation, mais dont on perçoit qu’elles sont le fruit d’une maturation et d’une progression intérieures, dans l’expression d’une personnalité calme et discrète.
Entrons… Vous voilà accueillis par Braque lui-même, une photo de taille réelle vous le montre, là vivant, peignant au cœur de son atelier. La paix et la sérénité marquent le visage intelligent de cet homme mince aux cheveux blancs… le pinceau à la main, le geste suspendu au-dessus de la palette, cherchant la couleur qui traduira au plus juste sa pensée, enfermé dans son art avec pourtant la volonté de porter un message et même de le faire avancer ….

" A L'Estaque" 1906 - collection Merzbacher
La première salle est à la couleur. Braque « enfant de Cézanne » peint L’Estaque dans les années 1906- 1907, 11 toiles qui se déclinent différemment. Le village analysé dans tous ses états, ses couleurs et ses ombres. Une période fauve, explosion de la couleur, des lumières du plein air. A la lecture de ces toiles, on sent encore l’influence néo-impressionniste, où  les règles du divisionnisme s’expriment dans de grands aplats et des touches longues et colorées… un chromatisme puissant qui se libère en illustrant la période fauve de ce peintre.

La touche est ferme, la ligne nette, des rouges, des feux, des oranges, des jaunes des crèmes, des verts crus ou sombres, des petites touches, des lignes qui s’enroulent en spirales en courbes et contre- courbes des couleurs qui éclatent, éclairent, illuminent les toiles. Une interprétation libre du regard un ciel parme, un tronc mauve, un chemin rouge des couleurs qui pourraient exister dans le réel si elles n’étaient pas forcées et qui tout à coup donnent à la toile un relief que la nature ne lui aurait pas donnée.

Un Braque FAUVE, frère de Matisse  quand il peint « le nu assis » de face ou de dos. Il semblerait que Braque ait emprunté la palette de Matisse pour le vert et ses accords de couleurs froides si particuliers et si chers à ce dernier. Elle serait la suite de « la dame au chapeau vert » le soir, seule à sa toilette, quand elle a ôté son chapeau !

L’exposition se parcourt selon la chronologie de la vie de Braque. Braque rencontre Picasso au Bateau-lavoir et c’est le début d’une amitié en même temps qu’une recherche associée sur l’expression graphique, structurée, déstructurée, recomposée dans un mouvement qui sera appelée le cubisme.
Il s’agit d’un mouvement qui va au-delà de la représentation, il a la volonté d’apporter une intellectualisation du sujet, une réflexion personnelle. Cubisme analytique puis synthétique qui emmènent jusqu’en 1914. C’est un peu comme si, on rendait le sujet de la toile non immédiatement perceptible, pour en faire la recherche visuelle, reconnaître le sujet, et découvrir le trésor qui s’y cache. Un jeu intellectuel, une démarche personnelle laissant place à l’imaginaire et à la réflexion.
Dans cette salle dédiée au premiers pas du cubisme tout est reconnaissable, visages, personnages, lieux ponts, maisons. Pourtant, il faut observer la distanciation avec les couleurs et le réel. « Les arbres de L’Estaque » version cubiste d’arbres reconnaissables au premier plan représentés sur un fond qui tient du chaos paysagé et organisé laissant juste deviner le sentier par les silhouettes noires et simplissimes des cyprès qui bordent le chemin … et Braque continue à perfectionner sa découverte. Son jeu s’affine, se peaufine, se fortifie et s’affirme… les lignes et formes géométriques se resserrent, s’imbriquent, se nouent en des couleurs qui reviennent sans cesse : camaïeux de gris, de beige, d’ocre… Des couleurs sourdes, nouveau langage visuel choisi volontairement pour  l’abandon du réel et atteindre une essence intellectuelle, obligeant le profane à s’interroger.
Picasso et Braque forment comme ils le disent « une cordée de montagne » dans laquelle pourtant, ils laissent des repères réalistes nous permettant de les approcher dans leur démarche abstraite et plastique.
 Femme à la mandoline - 1910 - Musée de Munich

« La femme à la mandoline » de 1910 prêtée par le musée de Munich touche l’émotion, mon émotion… Au centre de la toile dans un médaillon ovale, une femme tient une mandoline entre ses mains, dans un enchevêtrement de lignes et de rectangles aux couleurs d’ocre, de reflets dorés et de bleu lavé. Telle une icône moderne, hiératique, sobre, droite, les yeux baissés elle se concentre dans une intériorité qui la conduit et la guide … soyez attentifs elle interprète émue et émouvante une « Gymnopédie » d’Eric Satie, un ami de Braque…
« Les toits de Céret » de 1911, un fond de gris, des lignes trapèzes rectangles triangles tachetés de plus sombre de plus clairs de blancs… Mais, les toits  où sont-ils ? et tout à coup vous les découvrez surgissant de formes triangulaires marqués d’ocre, de brun et de cuivre…

Parler de Braque sans évoquer son rapport à la musique, aux natures mortes, aux objets serait oublier la part sensible et picturale de cet homme. « Nature morte au violon » ou encore «Broc et violon » dans les camaïeux de couleurs qu’il affectionne : un violon repose dans une pièce qu’on reconnait à peine, des piliers, une lampe peut-être … tout est cassé brisé, comme si un tremblement de terre avait tout rompu, et où les morceaux brisés se seraient repositionnés d’eux-mêmes laissant encore à penser que l’on pourrait retrouver la forme originelle et l’assembler à nouveau …

Les papiers collés vont emmener Braque au cubisme synthétique. C’est un travail de maturation, avancées et libertés qui conduiront à l’expression d’autres mouvements artistiques conduits par Kandinsky pour l’abstraction lyrique, Mondrian pour le néo-plasticisme et en Allemagne le mouvement Bauhaus…

Braque s’est éloigné de Picasso après la guerre, fait d’autres rencontres, collabore aux ballets russes et multiplie les compositions picturales d’inspiration musicale. Ses constantes de représentation restent la musique, les personnages,  les fruits, les compotiers, combinés, composés, recomposés, décomposés, structurés, déstructurés, mais toujours réinventés.
Le peintre pense en formes et en couleurs et Braque déclare « J’aime la règle qui corrige l’émotion », phrase ô combien révélatrice de sa discrétion et du fait avéré que Picasso ait toujours pris la première place dans l’expression d’un tempérament typiquement ibérique.

Vers 1922, Braque peint des Canéphores, entendez des femmes évoquant l’Antiquité grecque. Il fera renaître la couleur, comme si, il avait à nouveau besoin de contact avec le concret, une sorte de retour aux origines, les retrouvailles avec un « moi » qu’il ne faut pas perdre. Et puis, les sculptures de chevaux, de visages vous disent encore sa force de création, sa fascination pour le minéral et l’art étrusque.


La peinture de Varangéville sur mer, dans les années 50-60 révèle un homme qui s’interroge sur l’essentiel quand on a tout compris, tout traversé, vécu sa vie. Il exprime dans ses longues représentations rectangulaires, l’essentiel de ce qui est reste l’eau, le ciel, les objets, quand tout a disparu, quand  l’homme n’est plus…


Le message reste fidèle au personnage que l’on devine, discret, silencieux, sensible, intelligent, réservé, vif, curieux, observateur, analyste juste et précis. Les « grands oiseaux » de 1960 s’envolant vers le ciel, s’élèvent pour un ailleurs dans un adieu que Braque réserve à ses admirateurs.

Les Oiseaux- Musée du Louvre- Sully - Salle Henri II
Qu’est-ce qui pousse un peintre à s’aventurer dans de telles recherches ? Dans la démarche de Braque, il y a semble-t-il le désir d’intellectualiser le concret pour réinterpréter une réalité, lui donner un nouvel angle de vision plus intellectuel, créer une abstraction qui prend pied dans le réel.  « L’Art est fait pour troubler et la science pour rassurer » écrivait-il… pas de doute,  son œuvre a rempli sa mission.

Le « G » de la signature de Georges Braque  ressemble à la serpe du faucheur, celle qui coupe, ramasse, et assemble en gerbe les épis de la vie, découvertes, observations et expériences et nourrit chacun d’une nouvelle pensée, et d’un regard neuf.


Au travers de cette visite de quelques heures, je reste admirative pour la commissaire d’exposition Brigitte Léal. Elle a réussi la prouesse de nous faire approcher cet homme dans un parcours esthétique, et,  nous a laissé un instant croire que nous avions connu, apprécié et compris Georges Braque.

Je vous souhaite une belle visite au Grand Palais à Paris, et surtout, surtout, n’oubliez pas : avant le 6 Janvier.

Au revoir, à bientôt..
























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