Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

mercredi 25 juin 2014

De Watteau à Fragonard au musée Jacquemart-André Paris

Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’une exposition qui a lieu à Paris, au musée Jacquemart André, elle a pour titre « de Watteau à Fragonard »… Je vous invite à vous y rendre en ce début d’été. En effet la rétrospective se termine le 21 juillet, il reste peu de temps pour en profiter.



« De Watteau à Fragonard », cela signifie que l’on propose un panorama d’œuvres de peintres du 18ième, ayant une recherche picturale qui montrent l’évolution d’un même style pendant une même période. Watteau est le premier à ouvrir le genre « les fêtes galantes »  et s’arrête à Fragonard au tout début de 1800.
Trois grands courants artistiques ont marqué ce siècle, d’abord le baroque tardif, puis les pastorales, et enfin les débuts néo-classiques. C’est le thème des fêtes galantes, ou pastorales qui retiendra notre intérêt, en liaison avec l’exposition du musée Jacquemart André.
Watteau est le premier peintre, pour lequel l’Académie Royale de Peinture a créé le genre « fêtes galantes ». Fallait-il qu’il soit apprécié, admiré, recherché pour que cette Académie empesée, rigide et compassée en vienne à accepter de se réformer en ajoutant une nouvelle classification à ses critères de jugement et de sélection. C’était pour Watteau une vraie reconnaissance.
Un style pictural nouveau est souvent le fruit d’une évolution, de recherches, il s’invente parce que l’on a digéré, compris, intégré, la pensée, la maîtrise, la technique des prédécesseurs.
Le panneau, qui ouvre l’exposition, restitue bien cette idée… Ainsi, il nous est dit que le thème des fêtes galantes de Watteau, est marqué par l’influence vénitienne du 16ième et flamande du 17ième, mais il ne nous ait pas donné d’informations supplémentaires…
Posons-nous la question de savoir ce qu’est l’influence vénitienne du 16ième ?
Une réponse rapide dit : la luminosité, la préciosité éclatante et joyeuse des couleurs, les effets d’éclairage. Les personnages, les modelés, les nus aux chairs tactiles et sensuelles, placés dans de somptueux paysages, les lieux de théâtre en plein air de la Commedia dell’arte. Les peintres référents en sont Giorgione, Le Titien, Véronèse, le Tintoret… On pense au « Concert Champêtre » de Giorgione ou du Titien, on ne sait pas vraiment, à la « Bacchanale des Andriens » du Titien, à la « Vénus et Adonis » de Véronèse.
Le Concert Champêtre - 1510 - Giorgione ou Le Titien?
Musée du Louvre Paris











La Bacchanale des Andriens- 1523/24 - Le Titien
Musée du Prado - Madrid























Allégorie de la Terre- 1ière moitié du 17ième siècle
Brueghel dit de Velours

La marque de l’influence flamande du 17ième montre des compositions qui se libèrent de la peinture allégorique, des faits historiques ou de la religion. Ses représentations osent la scène de genre, les gens simples,  le paysage, la nature, les fleurs, arbres, plantes, animaux. L’utilisation du glacis donne la profondeur, le rendu des textures de tissus, les reflets du métal. Pensons à Bruegel celui dit de Velours, Rubens « Le Jardin d’Amour», « la tempête » de Ruysdaël…
Le jardin d'Amour- 1632/33 - Rubens
Musée des B.A de Beaune


Watteau développe un univers personnel, synthèse des courants des 16ième et 17ième ainsi que des principes de l’art rocaille.
 « L’embarquement pour Cythère », montre à quel point il a su décrire le paysage allié aux personnages. Il rend compte de l’harmonie existant entre l’homme et la nature. Le lieu est sublimé, c’est le cadre parfait pour une quête amoureuse… Watteau peint avec maîtrise, le plissé, le brillant, le froissé d’un tissu, dans une campagne idéalisée. Les personnages de la comédie italienne l’inspirent.
Ma préférence s’est dirigée vers la toile « Les plaisirs du bal », elle interprète toute les influences décrites précédemment : les colonnes baroques et baguées déclinent les influences flamandes, le jardin en arrière plan est lui méridional, les lignes dentelées des arbres sont représentatives du style rocaille.
Les plaisirs du bal- 1717 - Watteau
Dulwich collège - Londres
Watteau est un dessinateur de génie. Dans les ateliers où il a été formé, et cela dès l’âge de 10 ans notamment à Valenciennes sa ville natale et flamande à l’époque, il crayonne, croque les silhouettes, les lieux, les spectacles et assemblent dans une bibliothèque personnelle une quantité importante de modèles qu’il utilise et replace dans ses compositions. Il peint sans étude préparatoire, il est hors des pratiques habituelles.
La Femme au papillon 1716- Watteau
M.E.T New-York




« La femme au papillon » de 1716, dit en 3 couleurs, sa capacité à traduire d’un trait vif, la spontanéité, la fraîcheur et la délicatesse.
3 crayons, pour rendre la féminité d’une femme qui observe en un geste suspendu et retenu le papillon posé à la pliure de son bras. La craie noire articule les lignes, la blanche structure les volumes, la rouge donne vie et carnation au personnage.











Dans cette exposition «  de Watteau à Fragonard » vous y verrez ceux que l’on appelle les suiveurs de Watteau bien qu’ils n’aient jamais été ses élèves. Après la mort de ce dernier, les fêtes galantes prennent un autre relief, s’étoffent différemment selon les artistes.
Au fil des salles, on note l’entrée de l’actualité du moment dans les pastorales, qui restent néanmoins idylliques et irréalistes. Elles disent l’idéalisation des lieux, des gens et des situations, c’est la peinture d’une classe sociale aisée et privilégiée le tout orchestré dans un élégant marivaudage…

Nicolas Lancret intègre « La Camargo », célèbre ballerine de l’époque.
La Camargo dansant- 1730 - Nicolas Lancret
National Gallery of Art - Washington

« Le déjeuner de chasse» de François Lemoyne témoigne entre autres de la mode vestimentaire.
François Boucher atteste du goût français des chinoiseries, prétexte à élaborer des compositions libres qui ne se soumettent pas aux canons esthétiques de l’Académie.
De Boucher encore « La Pastorale » et « l’Ecole de l’Amitié » expriment déjà le goût des bergers et des bergères de fantaisie  annonçant avec 10 ans d’avance la ferme idéale de Marie-Antoinette.
Boucher est un peintre précieux, il ne cherche pas à reproduire la réalité.
L'école de l'Amitié - 1700 - François Boucher
Staaliche Kunsthalle - Karlsruhe

En ce temps-là les passionnés de l’époque reconnaissent dans les toiles qu’ils découvrent, des statues, des lieux, des personnages connus, les « people » de ce 18ième. On s’approprie le sujet par le biais du réel inséré dans une composition paradisiaque.
Enfin, avec Fragonard dernier tenant du style, la fête s’exprime avec fantaisie, pittoresque, naturel. L’immense œuvre maîtresse de plus de 2m sur 3 « La fête à Saint-Cloud » clôt cette exposition. 
La fête à St Cloud - 1775/1780 - Fragonard
Collection Banque de France - Paris

Une nature immense, une luminosité subtile éclairent la toile, des groupes de personnages ça et là devisant, un marionnettiste et son atelier, plus loin une représentation théâtrale … Observez, une esquisse préparatoire à cette toile, « Le marchand de marionnettes », c’est une étude sur l’ombre et la lumière, la couleur,  une découverte de détails qu’on n’observe pas forcément dans l’immense tableau. La toile dans son intégralité nous écrase par l’omniprésence de la nature, presque oppressante semblable à une menace, tellement le ciel, les arbres dominent et s’imposent à nos yeux.
L’ensemble raconte un monde privilégié sans interactivité avec le spectateur, il suggère la frivolité, l’inconscience … Réalisation prémonitoire d’un monde qui va exploser, s’effondrer dans les affres de la Révolution.


L’exposition de Watteau à Fragonard met aussi l’accent sur le dynamisme du 18ième siècle. La nature est étudiée avec soin et on y analyse ses interférences avec l’homme. Le siècle est également raisonneur et critique, la bourgeoisie prend le pouvoir au détriment de la noblesse, les cercles, les salons s’ouvrent aux grands esprits de l’époque. En fait, le siècle se libère des fastes de la royauté, le monde s’institutionnalise. Ainsi dans les toiles que vous découvrirez au musée Jacquemart, vous verrez des groupes qui s’associent, jouent, bavardent, échangent… Leur libre expression, sans la contrainte de la hiérarchie et de l’étiquette royale est ferment de la liberté de pensée et de parole. Les peintres de cette exposition ne font que souligner l’esprit de l’époque.

Le 18ième siècle voit aussi la naissance du Prix de Rome, le monde de l’art s’ouvre au public. Diderot défend la création française, ses analyses se diffusent dans le monde entier, il affectionne d’ailleurs Fragonard et Greuze… C’est le temps d’une véritable réflexion philosophique et esthétique. En un mot, c’est le siècle des Lumières…
Le style rocaille rococo s’épanouit en France. Paris est un centre important de fabrication d’objets d’art de haute qualité. Le style rocaille se retrouve dans les toutes les créations, c’est une étude de la nature dans ce qu’elle a de plus réel, et qui prend vie dans la peinture, ou  des objets ou des meubles, fabriqués dans des matériaux de grands prix, réalisés entre autres par la toute nouvelle Manufacture des Gobelins…


Au revoir, à bientôt...

La bibliographie
- Catalogue de l'exposition de Watteau à Fragonard




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