Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

mercredi 16 avril 2014

L'abbaye de Vauclair

L’abbaye de Vauclair

En 1822 Pingret, peintre local,  imagine l'abbaye

Sur les routes de l’Aisne, dans le triangle Reims, Soissons et Laon, se trouve le terrible Chemin des Dames… Pourtant au-delà de ce lieu de mémoire, il y a une découverte magique à faire, une oasis de paix et de lumière, c’est l’abbaye de Vauclair… L’empreinte de ce lieu permet de reprendre pied, de souffler intérieurement après avoir visité la Caverne du Dragon, compris, imaginé la rage, la haine, la souffrance des hommes, presque entendu le bruit du canon, les hurlements de peur des soldats et des chevaux….

Je vous invite à imaginer cette abbaye de Vauclair, à la faire revivre par le don de votre inspiration, celui de la rêverie et de la poésie…
Nous sommes en 1134 et Bernard de Fontaine ou de Clairvaux, bâtit une abbaye cistercienne au creux d’un vallon caché dans la forêt de Bouconville, là où coule une rivièrette appelée l’Ailette…  C’est peut-être ainsi qu’Arthur Rimbaud l’a décrite :

« C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. »

L'abbaye deVauclair

Vauclair, fille de Clairvaux…  
Les vestiges d’aujourd’hui enchantent encore l’imaginaire. En déambulant silencieusement, les traces laissées par le temps, font revivre un monde disparu et qui pourtant, recomposent l’espace  …
Il ne reste rien, hormis quelques pierres blanches et grises, des murs déchiquetés, des piliers brisés, quelques arcades cintrées sur lesquels pousse une mousse épaisse.

Il faut imaginer une église en croix latine rythmée de trois travées, un chevet plat et sobre, un chœur étroit pour accueillir des matines jusqu’aux complies, les moines de l’Ordre, …Le porche du narthex, à la voûte arrondie, encadré de fenêtres géminées en plein cintre conduit les frères convers à l’intérieur du lieu.
Issu de l’Ordre de Saint Benoît, celui de Saint Bernard, dans son idéal de dépouillement ne s’autorise pas au débordement décoratif. Les vitraux incolores, sans images faits de simples motifs d’entrelacs ou de fleurs dispensent la lumière. Les chapiteaux qui reçoivent la poussée des voûtes d’arêtes sont dépouillés. Chapiteaux simplement sculptés de feuilles d’eau, pour rappeler sans doute et pourquoi pas, Cîteaux : le cistel autre nom du roseau…
Un art de rigueur, pour un retour au désert, à la réflexion et puisque l’homme est un roseau pensant, nourrir et éclairer sa pensée par la méditation, la prière, l’offrande, rendre présent l’Invisible.


La promenade laisse encore deviner les traces de la vie des frères convers, car l’abbaye est une petite ville. Il faut des hommes de bonne volonté pour veiller au bien-être de tous, et la nourriture spirituelle ne délivre pas des contingences du quotidien..
Là-bas, voyez un pigeonnier, inventez une hôstellerie, un réfectoire, un potager, des bâtisses pour les outils. Toute une vie paysanne œuvre et chacun occupe sa place dans le rythme des jours et des saisons.
L’abbaye de Vauclair possède des terres à blé, à vignes, un pressoir, un four pour fabriquer tuiles et poteries, …
Le chardon de Marie

Arrêtons-nous, au jardin des simples… A l’abri des grands arbres poussent dans de petits carrés formant un damier, le cerfeuil, la menthe, la sauge, l’absinthe, la camomille, le pavot, le chardon de Marie. On utilise avec art, le rhizome, la feuille, le bulbe, le bourgeon, la tige, le pétale ou la graine pour soulager les maux et les douleurs… Le chardon de Marie, aux multiples vertus thérapeutiques,  est tacheté de blanc.  Pourquoi ? Une jolie légende : Alors que Marie allaitait l’Enfant Jésus, elle l’a caché sous la plante épineuse à l’arrivée des soldats d’Hérode. Quelques gouttes de lait sont tombées de son sein sur les feuilles, les marquant à jamais de sa présence…

Un jardin de simples


Et pourquoi, encore au milieu du damier, un carré nu avec une simple pierre de pays ? Son rôle est d’emmagasiner la chaleur du jour pour la redistribuer la nuit, protégeant les plantes fragiles du froid nocturne.
Plus loin le verger entretenu avec soin, laisse pousser nèfles, noisettes, pommes, poires, et raisin.









C’est une promenade que je vous propose, alternée de rêverie ou de réalités historiques…
Que reste-t-il de la salle du chapitre, du cloître, de la fontaine, du scriptorium ?
Des ruines, des souvenirs, une présence …



«  Dans ce petit trou de verdure où chante une rivière » on peut encore imaginer les moines copistes, debout face à leur lutrin, copiant inlassablement les Ecritures pour diffuser la Parole, le savoir, la réflexion… Parfois, ils vont dégourdir leurs doigts endoloris et durcis par le froid au feu du chauffoir et retournent inlassablement à la tache, pour la mission dont ils sont chargés. Illustrer, copier, recopier, le psautier, le bréviaire, l’évangéliaire, les livres des petites, des belles, des riches Heures, les enluminant de décors fleuronnés. En quelques traits ils rendent l’expressivité et l’élégance d’un art dans un raffinement sobre de couleurs et de lignes souples. 

Et puis, il faut répondre à l’appel de la cloche, se rendre dans la salle capitulaire appelée encore salle du chapitre… Cet espace est le centre de la vie des moines, il possède un rôle d’enseignement, de décision, et de rappel à la discipline monastique. Les moines assis face à face sur de durs bancs de bois, le long des murs de la pièce, écoutent l’abbé debout sur l’estrade.

Juste de l’autre côté de cette salle, une sortie mène au cloître…
Il faut encore recréer l’image d’une cour carrée, cloître issu de la villa romaine,  un déambulatoire de terre battue ou peut-être recouvert de carreaux de terre rouge mal équarris. Des arcades arrondies soutenues par de doubles piliers éclairent les moines qui prient. Le regard limité par la construction, ne peut que s’élever pour retrouver le guide de sa pensée. Au centre du jardin, chante une fontaine… Elle symbolise la Fontaine de Vie, inventez-là, avec en son sommet une Vierge à l’enfant. Il tient une pomme dans sa  main.


Ainsi à quelques pas, du Chemin des Dames, il est possible de découvrir, le souvenir de cette abbaye. La paix de l’endroit a effacé les drames, les larmes et les désespoirs. Et pourtant nous ne pouvons oublier les derniers vers du Dormeur du Val de Rimbaud, qui semblent avoir été écrits pour ce lieu :

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit
.


Décombres de l'abbaye de Vauclair en Juillet 1920.


Le message de Saint-Bernard, apporte la paix et l’Espérance… Vous l’associerez au centenaire de cette guerre fratricide de 1914/1918.
Qui a voulu que les deux sites soient imbriqués l’un dans l’autre ?
Vauclair, offensée par la guerre de Cent ans, vendue à la Révolution de 1789, pilonnée dans les bombardements de 1917, puis oubliée.





Un jésuite a redonné vie à ce lieu de prière dans les années 1970…
Avec courage, il a sorti la construction des ronces, et des débris pour lui redonner son âme, guidé et conduit par Celui qui n’a jamais quitté les lieux.





Aujourd’hui des familles viennent s’y promener, les solitaires y méditer, les enfants y jouer, les croyants et les religieux y prier, chacun marquant l’endroit de son interprétation, de sa personnalité et de son émotion.





Charles Péguy a écrit
« De l’âme de la veille on peut faire l’âme du jour. Mais celui qui n’a point de veille, comment lui ferait-on un lendemain ? »


Pour écrire ce texte, j’ai consulté des articles sur Internet, lu le livret « L’Ordre Cistercien » de Michel Niaussat aux Editions Ouest France.

A tous, je souhaite de belles fêtes de Pâques.
Que chacun vive dans son cœur et sa foi, une Espérance renouvelée.







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