Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

mercredi 19 février 2014

Petites scènes capitales de Sylvie Germain

Petites scènes capitales un livre de Sylvie Germain
Bonjour à tous..
Sans doute avez-vous déjà vu ce titre dans les bacs des librairies « Petites scènes capitales de Sylvie Germain» feuilleté le livre, pensé à l’acheter et ne l’avez pas fait…
Avant d’aborder le livre, qui est  Sylvie Germain ? Née en 1954, elle a fait des études de philosophie, elle écrit dès 1983. Depuis elle été distinguée par  le prix Fémina et en 2005, puis le Goncourt des Lycéens avec Magnus. En 2013 elle a été élue l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique

Le bandeau de l’éditeur entourant ce livre « Petites scènes capitales », est illustré d’une femme accrochée aux anneaux de son trapèze. Elle traverse l’espace avec grâce, légèreté, élégance, suspendue en un geste aérien, comme est l’écriture de ce roman. Ne serait-ce pas le reflet d’une écriture qui raconte les évènements d’une vie familiale, moments uniques que l’on découvre « capitaux », métaphore de la traversée de la vie...
Illustration du bandeau du livre

« Petites scènes capitales », oscille entre heures douloureuses, difficiles, joyeuses et burlesques, comme les vivent à peu près toutes les familles..
Dans ce cercle recomposé, Lili- Barbara, petite fille orpheline de mère, conduit le récit. Elle raconte comment avec ses quatre nouveaux frères et sœurs, elle, ils trouvent tous cahin-caha l’équilibre pour se construire ensemble et individuellement…
Je vous propose la lecture d’une tranche de vie, une rencontre avec Paul le fils aîné :

Pendant tout le dîner Paul se montre absent et touche à peine aux plats, ce manque d’appétit étonne sa mère. Elle se penche vers lui, lui touche l’épaule, il sursaute et la regarde d’un air surpris, ahuri presque. Ses jeunes sœurs s’esclaffent aussitôt : « Paul est amoureux ». Comme il ne proteste pas, les jumelles et Lili s’enhardissent : « C’est qui ? Elle est jolie ? C’est une fille de ton lycée ? Comment elle s’appelle ? ». Cette curiosité agace les parents, ils n’aiment pas l’indiscrétion. Mais Paul  ne  se dérobe pas : « Il ne s’agit pas d’une fille » Sa réponse laisse tout le monde coi. « Tu es amoureux d’un garçon ? » Il sourit : « Pas amoureux d’un garçon, bien plus que ça, et pas d’un garçon, d’un homme » Il n’a pas le temps d’achever sa phrase, sa mère se lève, d’un bond et ne retient pas sa main. Puis elle retombe sur sa chaise, stupéfaite autant par son geste que par la nouvelle » Paul reprend d’une voix calme : « C’est un homme, Il s’appelle Christ ». Lili, n’a pas été baptisée et s’interroge sur la façon dont Paul a bien pu rencontrer un homme mort de puis près de mille ans »…

Ce livre, « Petites scènes capitales » de Sylvie Germain raconte par anecdotes successives, la façon dont se construit une personnalité, les choix de vie qui se font à la lumière d’évènements vécus que l’on n’a pas maîtrisés, parfois subis, rarement choisis, et qui ont un impact sur le devenir de chacun.
Lili - Barbara, regarde la vie avec une sorte de recul observateur, sans doute lié au fait qu’elle soit discrète et surtout qu’elle ait commencé la vie par une blessure. Sa mère avant de mourir, d’une façon dont on ne saura jamais si s’agissait d’un suicide ou d’un accident, l’a laissée aux soins de son père quand elle avait 11 mois… Dès son enfance, elle connaît le déchirement, le manque de mère, la mort de sa grand-mère maternelle dernier témoin d’un pan de sa vie familiale.
De ce livre, émane une émotion poignante, où chacun essaie de vivre avec ses fractures, ses douleurs et ses forces. Tour à tour, Sylvie Germain ajuste son regard sur chacun de ses personnages, leur donnant la dimension acquise aux aspérités de la vie. Ses mots sont toujours bien choisis, empreints de sensibilité, de délicatesse, de rêverie, et mènent à la révélation de ce que nous sommes dans le secret de notre vérité. C’est une réflexion à porter sur soi-même, s’interroger, analyser le sens de sa vie, dérouler le film de son histoire.
Se dire, se demander, retrouver dans notre mémoire les moments de bascule, nos petites scènes capitales qui conduisent à faire des choix, remonter la pente de son histoire intime, et donner la réponse à la personne que nous sommes devenus. Le livre, moment de grâce, émeut, interpelle et conduit nos interrogations, notre questionnement intérieur.

Lili-Barbara comprend enfin pourquoi son père ne voulait pas l’appeler du prénom choisi par sa mère : 
Voici un échange entre Lili et son père… une explication sur son prénom Barbara… Une lecture tronquée, afin de vous en garder le plaisir de la découverte. C’est le père qui parle :

« Elle a été prise d’une lubie en découvrant un poème intitulé « Barbara » dans un recueil de Jacques Prévert…
« Rappelle-toi Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là »… Si au moins, elle avait lu Dante Pétrarque ou Ronsard.
Ce n’était quand même pas sur le choix de son prénom que sa mère était partie, Lili veut connaître la raison de ce départ.
        Ce n’est pas toi, qui l’a effrayée, c’est l’engagement impliqué par la maternité..
        Pourquoi as-tu jeté toutes les photos d’elle ?
        Mais ce n’est pas moi, c’est elle. Elle a déchiré toutes celles où elle figurait… Comme si, elle voulait radier son passé.
La bouche de Lili est de plomb, elle serre les dents, pour ne pas pleurer ou crier.
Peut-on à ce point désavouer sa propre vie, abjurer son passé, à ce point nier la réalité…»

Tout dans ce livre, nous touche la magie des mots traduits dans chaque scène : magnifiques descriptions  de la nature, moments heureux ou dramatiques, mais aussi du mystère des non-dits qui se dévoilent au fur et à mesure du déroulement de la trame de l’histoire.
On découvre avec quelle subtilité, des phrases que l’on croyait dites sous le coup d’une émotion, annonçaient une vérité que l’on  n’imaginait pas. Des mots qui prennent sens avec le recul, éclairent un passé caché, et tout à coup éclate au grand jour, apportant un éclairage libérateur, effaçant les ombres et les silences.
Ce livre aborde, aussi,  la douleur de la perte d’un proche. Il décrit les fractures irréparables du puzzle familial déstabilisé et détruit par le malheur. Une scène capitale qui forcément conduit à une remise en question fondamentale, à la résilience nécessaire pour continuer son chemin.
Chaque personnage est doté d’une force de représentation qui tisse la trame du récit…  Cette mère forte et fragile, cabossée par les fulgurances cruelles de la vie, ce père silencieux, sobre et sensible…
Ces enfants heureux, qui jouent de la vie, comme d’une comédie, - en découvrent la fragilité quand la mort fait irruption dans leur quotidien, bouleversant leur regard, et façonnant d’une courbe indélébile leur avenir…
Paul le fils ainé dont la découverte spirituelle conduit la vie…
Jeanne-Joy la sage, capable et coupable de se détruire par provocation, dans la réalité de ses chaos intérieurs.
Les jumelles qui se cherchent par delà leurs  arrachements…
Lili à l’exploration, et à la découverte de son équilibre …
Une famille comme tant d’autres marquée par la vie, avec toujours comme objectif le bonheur, la paix, la sérénité à trouver ou retrouver…
Sylvie Germain décrit chaque personnage minutieusement, avec amour autant pour les personnages que pour les éléments vivants, évoque avec émotion la dernière et solitaire relation du père avec Cosmos le chien, et ce dernier prend sa place dans cette fresque familiale.

La conclusion se trouve dans les phrases du roman de Sylvie Germain :

C’est vrai pense Lili Barbara, les parents discutaient beaucoup, mais entre eux, entre adultes, et peu avec leurs enfants. On n’entrait pas dans les coulisses des uns des autres, pas même dans celles de sa propre conscience, ou alors de loin en loin, et sans s’y attarder. Par peur du noir, de l’inconnu, des labyrinthes, des trappes ouvertes ici et là. Seul Paul s’est aventuré, résolument, mais il n’avait pas le choix, puisqu’il avait été saisi poussé, « par une torche de vent, une bouffée de lumière ».
Elle Lili, il lui a fallu, tant d’années pour apprendre à vivre en bonne intelligence avec ses lancinantes incertitudes »…

En dépit des commentaires et lectures d’extraits partagés avec vous, et portés à votre connaissance, l’histoire n’a pas été révélée…
Ainsi, pour votre prochaine lecture, pourrez-vous vous émouvoir de ces petites scènes capitales de Sylvie Germain paru chez Albin Michel.


A bientôt… 

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