Préambule

Au hasard des Arts…

Un blog pour tous, pour rêver, partager une découverte, un regard, donner envie de voir, revoir, savoir, et même chercher, s’interroger, s’insurger, s’étonner, s’émerveiller…
Franchement, ces arts, quel bazar !!!

Le hasard des Arts, n’est pas véritablement un hasard, si ce n’est qu’il sera dicté par l’aléatoire
du livre que j’aurai lu,
du film que j’aurai vu,
de l’expo que j’aurai découverte
de l’émotion que j’aurai ressentie pour un poème, une toile, une sculpture...

Et que sais-je encore ?
Nous allons découvrir et partager, tout cela ensemble.
Des évènements dictés par l’actualité, mais aussi par la découverte ou la redécouverte d’un artiste, d’une œuvre.


Je vous livrerai ainsi le fruit de mes réflexions, de mes engagements, et de mes combats …

mercredi 5 février 2014

Mme Guillaume au musée de l'Orangerie à Paris

La collection Paul Guillaume au musée de l'Orangerie à Paris

Vous connaissez sans doute à  Paris, l’Orangerie du jardin des Tuileries.
Devenu musée en 1920 pour accueillir les Nymphéas que Monet vient d’offrir à l’état, il est aménagé en 1965 en partie basse pour loger la collection Walter et Guillaume.
La maison Bernot - Utrillo - 1924 - Musée de l'Orangerie

La collection privée de Paul Guillaume est une des plus belles du début du 20ième siècle… Cézanne, Derain, Gauguin, Marie Laurencin, Matisse, Modigliani, Picasso, Renoir, Soutine, Le Douanier Rousseau, Utrillo… Ils sont tous là, dans une fête de la couleur, les concepteurs de l’art moderne, les avant-gardistes de ce siècle naissant.
Paul Guillaume et Modigliani à Nice
en 1917






Qui était Paul Guillaume ? Un homme d’origine modeste, qui un jour dans le garage où il est employé, expose des sculptures africaines. Apollinaire le précurseur du surréalisme remarque cet homme, lui ouvre les portes du Bateau-Lavoir, de Montmartre.
 Là, le jeune homme rencontre quelques barbouilleurs inconnus et pauvres: Picabia, Picasso, Chirico, Modigliani, Soutine… Ce garçon intelligent a du flair, un don extraordinaire pour débusquer les artistes. Il ouvre une petite galerie, Rue de Miromesnil et expose les toiles qu’on lui confie… il achète, vend, et peu à peu prend sa place sur le marché de l’art, est reconnu comme un visionnaire, un découvreur de talents…
Et voilà qu’il rencontre une femme, Juliette Lacaze. Elle vient de son Aveyron natal… Que fait-elle ? Employée dans une boutique où elle vend des gants, modèle pour peintre au bateau-lavoir, vestiaire dans une boîte de nuit ?… elle est un peu tout ça… mais surtout elle est belle, très très belle… mystérieuse, ensorceleuse, séductrice et séduisante…
En 1920, Paul Guillaume, le marchant d’art épouse cette femme, Juliette Lacaze dont il est très amoureux. Et l’ascension sociale continue.. Elle, qui n’a aucune formation s’intéresse à l’art, pressent sous la houlette de son mari, les talents…
Ils ouvrent une galerie, rue de la Boétie, s’installent dans un magnifique appartement, de 650m2 rue du bois à Paris,  aujourd’hui Avenue Foch…
Le bureau de Paul Guillaume - Photo de maquette prise au musée de l'Orangerie

Paul Guillaume crée un journal «Les Arts à Paris », s’ouvre à la clientèle internationale, devient conseiller et fournisseur d’Alfred Barnes le richissime américain… Ils continuent à s’enrichir,  Paul Guillaume  voyage avec Juliette son épouse.
Juliette ?, non c’est trop simple, elle s’appelle désormais Domenica !
Domenica se rend aux Etats-Unis les malles pleines de vêtements des plus grands couturiers. Un jour, sur le bateau du retour, elle fait connaissance d’un riche architecte, Jean Walter…
Alors, ils vivront à trois sous le même toit !!


Derain a fait le tableau de cette femme : -vénéneuse !
Il rend la beauté, la classe, la distinction naturelle de cette ensorceleuse… La toile « Mme Guillaume » nous montre un visage aux traits fins, de mystérieux yeux verts qui semblent rêver, une bouche scellée sur ses appétits, ses secrets. Elle porte un magnifique chapeau qui laisse deviner des cheveux sombres qu’elle porte courts, une robe de soie crème l’habille dans une superbe et sobre élégance.
Portrait de Mme Guillaume - Derain- 1929
 Musée de l'Orangerie
Cette toile, vous ne pouvez passer à côté sans qu’elle vous interpelle… on ne voit que cette femme qui emplit tout le cadre du peintre, vous vous arrêtez, et vous avez envie de savoir qui elle est…
Quel hommage pour Derain ! Lui le peintre fauve a brossé sa toile dans des tons d’ocre et de beige et l’harmonie colorée rend avec éclat la mondanité du personnage…
Un jour de 1934, Paul Guillaume fait une crise d’appendicite.  Domenica, ne veut pas qu’on hospitalise son mari, elle va le soigner, avec son pendule, et la force de son regard d’émeraude sans doute. On transporte enfin Paul Guillaume à l’hôpital, l’infection s’est généralisée, il fait une septicémie…  il meurt …
Certains s’interrogent sur le retard pris pour soigner cet homme.
De son vivant, Paul Guillaume avait fait part de son intention de donner sa collection à l’état. Mais Domenica est légataire universelle et elle a la capacité de vendre ce qu’elle veut pour subvenir à ses besoins, et pour hériter totalement il faut un enfant…
Mais, Mme Veuve Guillaume est enceinte… enfin, son ventre prend du volume, et puis elle disparaît et revient avec un enfant.
On saura plus tard que cet enfant a été adopté.  Il est déclaré comme l’enfant de feu Paul et Domenica Guillaume… Paul Guillaume a un héritier, la collection n’appartiendra pas à l’état !
Domenica épouse Jean Walter, son amant, qui en plus d’être architecte possède des mines d’argent au Maroc.
L’appétit de Mme Walter, ne se dément pas, elle vend des Picasso « cubistes » achète à prix d’or d’autres toiles. Ainsi en 1952, elle achète un Cézanne « Biscuits et pommes » pour 33 millions de francs l’enlevant à l’armateur Niarchos qui aurait aimé l’acheter.
Biscuits et pommes - Cézanne- 1879 -Musée de l'Orangerie

Elle continue à émailler sa vie de rencontres masculines, dont un médecin, un certain docteur Lacour…
Mariée depuis une quinzaine d’années avec son second mari, Jean Walter, un midi de 1957, elle déjeune avec lui au restaurant. Il sort pour aller à la voiture, traverse, et là, il est renversé par un véhicule. Non, elle ne veut pas qu’on appelle une ambulance. Elle fait charger son mari dans sa voiture, elle arrive à l’hôpital… son mari vient de mourir…
Elle est veuve pour la seconde fois ! Et à la tête d’une fortune considérable.
Domenica Guillaume Walter a toujours un fils,  et un amant, ce jeune médecin Lacour.
Ce fils a grandi, c’est un  homme maintenant…
Elle ne s’en est jamais occupée. Alors qu’il était encore enfant, cruellement elle lui a asséné, qu’il était un enfant adopté.
Il s’appelle Jean-Pierre. Un jour il est abordé dans la rue par un militaire…
Cet homme lui dit : « j’ai un contrat sur votre tête».
Mais ce militaire ne veut pas tuer, et les deux hommes mettent au point un stratagème pour punir le coupable. Le militaire dit au donneur d’ordres qu’il a rempli son contrat, touche l’argent et se rend à la police pour dénoncer les faits… 
Qui est le commanditaire ?
Un médecin appelé Lacour…
Mais n’est-ce pas lui, l’amant de Mme Walter- Guillaume, veuve de ces deux personnes nommées ? -Bien sûr que si !!!
Alors, il y a jugement mais il n’y a pas eu crime, et Lacour sort de prison.
Chacun retourne à sa vie.
Jean-Pierre Guillaume fait la connaissance d’une femme, elle est coiffeuse.
C’est en fait une call-girl. Après quelque temps de leur histoire, cette dernière se rend à la police pour accuser Jean-Pierre Guillaume d’être son souteneur…
Mais pourquoi, cela ?
- A l’époque une condamnation pour proxénétisme vous prive de votre héritage.
Au regard d’un tel passif tout ce qui touche Mme Guillaume ou Mme Walter est assez sulfureux ! Le juge a des doutes, interroge, fait faire une enquête.
La demoiselle avoue : Elle a été payée pour séduire puis dénoncer le pauvre Jean-Pierre Guillaume !
Par qui a –t- elle été payée ?
Mais non… pas par Juliette Lacaze devenue Domenica veuve de Paul Guillaume et Jean Walter ... mais par un certain Lacaze frère de la dame qui occupe notre  récit, qui hélas est une histoire vraie !
Cette fois, pour raisons de santé, Lacaze sort aussi de prison.
Extraordinaire, curieux, surprenant, inexplicable et pourtant vrai !!!

Que se passe-t-il ensuite ? Quelles sont les tractations faites  pour que Mme Guillaume ou Walter évite la prison, car manifestement, elle n’est pas toute blanche dans l’affaire ?
On ne le sait pas… toujours est-il, que le ministère de la Culture conduit par le ministre de l’époque André Malraux a obtenu pour l’état français,  la cession de la collection de Paul Guillaume, pour une valeur qui aujourd’hui se mesurerait à quelques millions d’euros.
Mme Walter finira ses jours tranquille, richissime, entourée de ses tableaux qui ont, ne pouvons-nous pas le penser le prix du sang….
Elle mourra en 1977…

Pour vous raconter cette histoire j’ai lu de nombreux articles que je vous invite à retrouver sur internet dont l’un écrit par le journal libération, et qui a servi de trame à mon récit...
- Rendez-vous au musée de l’Orangerie pour avoir un aperçu de cette magnifique collection Walter Guillaume.
- Voyez le documentaire, Domenica ou la diabolique de l'art, écrit et réalisé par Yvon Gérault et Jérémie Cuvillier, produit par Per Diem films, diffusé en 2010 sur France 5 est disponible en DVD
- Réjouissez-vous de penser que c’était le désir premier de Paul Guillaume d’ouvrir un hôtel musée pour partager la beauté afin que chacun s’émeuve, comprenne et s’initie à l’art de son temps…

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